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Boite à musique... Boxes de Charlie Winston (Hobo)

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Création : 23/09/2012 à 10:34 Mise à jour : 03/02/2018 à 18:03

All hail the mighty Glow Cloud !

I'm telling you stories. Trust me.

I'm telling you stories. Trust me.

Pour raison de réécriture de fond en comble, cette histoire est maintenant hors-ligne. Merci à ceux qui l'avez lu, qui l'avez aimé, qui l'avez soutenue <3

En fait, si vous comprenez l'avatar de mon blog, je vous aime d'office. Si vous ne le comprenez pas, je vous aime quand même mais ça sera sûrement moins fusionnel entre vous et moi. D'ailleurs si vous comprenez mes références, de manière générale, je vous aime. Si vous les comprenez pas je vous aime toujours aussi, hein.
Sinon, moi c'est LorianO, enchantée, tout ça. J'aime mon chat, Jack White, Charlie Winston, les concerts, mon dictionnaire des pièges et difficultés de la langue française, acheter des CDs et l'Écosse sous le soleil. Entre autres. À part ça, peut-être que vous m'avez déjà croisée sur mes autres fictions, à savoir Anti fiction (conceptuelle et terminée), Oh Goddammit (fantaisiste et terminée), I surrender to the wind (pseudo-policière et terminée), Fakefic (blague à surligner et en cours), You shall never return (western et terminée), et Tribute to Jack (western-fanfic et terminée). Ah oui et puis il y a le Christmas Challenge aussi, en 2012 sur Les Méandres du Lot, en 2013 sur Go and ask the milkman, et en 2014 sur Pass Camping. Voilà voilà. Et sinon j'avais un répertoire hippie avec mon ours de compagnie, FCBF concept, et puis je traîne parfois comme critique sur Papiers Froissés et Ficsionnaire, et sinon je suis correctrice et trésorière chez Génération Écriture, où je dirige aussi un super projet d'écriture à plusieurs mains avec des poneys (non, les poneys n'écrivent pas, je vous rassure). En fait j'aime bien m'étaler, je suis un peu bordélique. Mais sinon ça va.
I'm telling you stories. Trust me.
À part ça, ici, vous allez trouver UNE HISTOIRE AVEC UNE VRAIE INTRIGUE. Oui, à vous ça peut vous sembler normal, mais quand on me connaît c'est un peu surprenant. Je l'ai présentée à certains d'entre vous comme une théorie du complot, sous le nom de Boxes. En fait, c'est toujours une théorie du complot, mais elle est passée à la mairie changer de nom et s'appelle maintenant Le Vol des flamants roses. Non mais si ça a un rapport. Déjà, ça a un rapport avec Charlie. Oui, Winston. C'est un peu sur lui que repose cette histoire et sa BO, comme en témoignent le titre du blog, l'ancien titre de l'histoire et la musique. Et puis aussi les titres des parties, qui sont tirés de ses chansons. Parce que OUI l'histoire sera divisée en trois parties, voilà, c'est comme ça, c'est moi le chef c'est moi qui décide. Et sinon, que vous dire sur elle... pas grand chose. C'est un genre de dystopie. J'espère que vous l'aimerez et que vous lui ferez des câlins. À l'histoire, pas à Charlie. Là, je me réserve personnellement le droit de lui faire des câlins.
I'm telling you stories. Trust me.
Passons maintenant aux détails techniques. Je préviens (par messagerie) de la parution d'un chapitre les gens qui ont laissé un commentaire sur le dernier chapitre ou l'avant dernier. En dehors de ça... aimons-nous les uns les autres, quoi. Et j'offre des macarons menthe-chocolat aux plus gentils !
Sinon, évitez de vous étonner si les images et les titres n'ont rien à voir avec l'histoire, C'EST PARFAITEMENT NORMAL. Je suis parfaitement normale.
Ou presque.

Sur ce, distribution de chocolat, et lisez bien !

LorianO


PS : Au fait, vous voulez un yaourt ?


Et puis maintenant j'ai même un article sur Papiers Froissés, sur Inkstone, sur l'Antre du mâle, sur Army Répertoire (et même qu'il y a une interview), sur À vos fictions prêt partez, sur Instant Annuaire, sur La Cabane aux étagères, sur Hôpital Répertoire, et sur Infiniment Fictions, et ça c'est grave la classe à mémé.


I'm telling you stories. Trust me.
merci Aleks pour cette bannière ! (et puis pour les titres de partie aussi. Mais à quoi ressemblerait ce blog sans toi ? à rien, probablement.)
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#Posté le dimanche 23 septembre 2012 11:15

Modifié le dimanche 28 janvier 2018 17:54

Intermède #2 : Eli se confie (ou presque.)

Intermède #2 : Eli se confie (ou presque.)
L'autre jour, Eli me tapait un peu sur les nerfs et Mamzelle M. s'est proposé de l'inviter subtilement pour le goûter pour le faire parler un peu et l'analyser psychologiquement. Voici le compte rendu, selon elle, de ce qu'il s'est passé.



Le docteur Podbrossili n'est pas un docteur comme les autres puisqu'il n'est pas docteur, mais journaliste. Sa méthode consiste à faire croire aux gens qu'ils sont là pour simplement discuter, mais finalement, maîtrisant l'art de la maïeutique il fait bien plus parler les gens que lui-même. L'environnement tient une place fondamentale dans sa méthode car il permet au patient d'être le premier à réagir lorsqu'il rencontre son docteur. Ainsi, voilà comment s'est passé l'arrivée d'Eli Cavender auprès d'Anne Podbrossili et de son employeur, Mamzelle M.
Le docteur Podbrossili a préparé un bon gâteau au chocolat dont l'odeur se répand à travers tout l'appartement. Elle a mis des vêtements traditionnel népalais et écoute France Info dans la cuisine. De son côté, Mamzelle M. est encore en pyjama, sur son lit, l'ordinateur sur les genoux. Elle écoute l'hymne des femmes en boucle depuis une demi-heure et si elle change c'est juste la version (chorale, a capella...). Sa chambre est un bazar sans nom, il faut enjamber vêtements sales, livres et cahiers pour parvenir jusqu'au lit et lui faire la bise.
Quand à 16h tapante, l'interphone sonne, tout est prêt pour qu'Eli Cavander soit celui qui pose la question ou au moins ait un haussement de sourcil interrogateur. C'est Anne qui va lui ouvrir, après tout, c'est un personnage, et mieux vaut que le premier contact se fasse avec des personnes familières.
− Bonjour, dit-elle en lui serrant la main.
Il répond poliment en hochant la tête et sur son visage se lit une pointe à peine perceptible de curiosité, que ce soit face à l'accoutrement du docteur ou devant la douce odeur de chocolat.
− Mamzelle M. est dans sa chambre, sur Internet, sans doute en train d'élaborer un plan machiavélique avec LorianO, en bon auteur qui se respecte.
Notez ici, que le docteur Podbrossili, se met dans le même camp qu'Eli Cavander, celui de la victime et que cette technique est très pratique pour mettre quelqu'un en confiance.
Les deux personnages vont frapper à la porte de la chambre de Mamzelle M. et cette fois Eli, aussi stoïque qu'il puisse tenter de paraître, ne peut pas s'empêcher d'écarquiller les yeux devant le bordel qui s'y trouve. (Trois fois pire que le bureau de Sam, hein, et il n'y a même pas les plantes vertes).
− Eli ! Salut, heureuse de faire ta connaissance.
L'homme n'est pas spécialement joyeux qu'on l'appelle directement par son prénom avec le tutoiement en prime mais fait ce qui ressemble à un sourire.
− C'est LorianO qui m'a dit de venir vous voir...
Mamzelle M. baisse le son de la musique et sourit à nouveau.
− Oui, elle t'a dit qu'il y aurait du gâteau au chocolat, je suis sûre qu'on se fait concurrence toutes les deux pour la déliciosité de nos ½uvres gustatives...Anne, tu nous sers ?
La journaliste disparaît dans la cuisine et Mamzelle M. pousse la corde d'escalade et le bocal de poisson rouge vers le bord du lit pour laisser une place à Eli. Il ne le sait pas, mais tout est calculé. De justesse, l'agent secret rattrape le bocal avant qu'il ne s'éclate par terre.
− Oups, je suis maladroite ! Merci !
Mamzelle M. se rend alors compte qu'elle sur-joue un peu.
− Vous dormez avec votre poisson rouge ? interroge Eli, un très léger sourire en coin.
− Dormir ? A quatre heures de l'après-midi ? Non, je discute avec. J'ai un hippopotame en peluche pour dormir par contre. Et toi ? Tu as un poney ?
Le voilà pris au piège sans même qu'il le sache. La situation est ridicule et il est obligé de sourire. Anne arrive à cet instant avec les parts de gâteau. Tous les trois s'installent sur le lit. Le gâteau est délicieux, fondant et beurré et Eli devra sans doute aller courir avec Nate un peu plus souvent que d'habitude s'il veut perdre les calories qu'il est en train d'avaler. En tout cas, il se détend. Le téléphone d'Anne sonne, c'est Enzo qui veut la voir. Elle s'excuse, laissant Eli seul avec Mamzelle M.
Contrairement à Eli, Mamzelle M. connaît les propriétés de mise en confiance totale et immédiate envers l'inconnu qui offre du chocolat et n'a donc pas vraiment touché au gâteau (elle est employeur, il est hors de question qu'elle se retrouve sous le joug d'Anne, sa création qui est la cuisinière du jour).
Le gâteau mélangé à un environnement inhabituel, le comportement inapproprié de ses hôtes et le poisson rouge font qu'Eli est dans un drôle d'état. Mamzelle M. lui parle de poneys, et il ne sait pas trop pourquoi ça le rend content, mais il fait quand même un peu la tête parce que ça ne se fait pas de montrer qu'on aime les poneys.
− Tu sais si Nate a un poney lui ? demande finalement Mamzelle M.
Eli est allongé sur le dos, et regarde le plafond, il laisse échappé un petit rire.
− Ce serait bien son genre.
− Tu le connais si bien ?
− Nan, pas trop, on fait pas équipe depuis si longtemps...
Mamzelle M. hésite, il s'agit à présent du moment le plus délicat de la séance. Elle prend une mimique amusante pour ne pas le déstabiliser. Elle est assise sur le lit l'ordinateur pas trop loin d'elle pour pouvoir faire un compte-rendu détaillé de ce qui se dit à la fois à Anne Podbrossili la fausse psychologue et à LorianO, la maman d'Eli qui est assez inquiète de la santé de son fiston.
− Comment tu le sais alors ?
− J'ai pas dit que je savais...j'ai dit que c'était son genre...c'est un gamin tu sais...
− C'est pas parce qu'on est gamin qu'on a un poney...tu peux pas le savoir si tu ne le connais pas depuis si longtemps.
Il a un haussement d'épaule, mais il ne la contredit pas non plus, Mamzelle M. comprend que l'idée fera sans doute son chemin. Il s'agit à présent de mettre les pieds dans le plat, mais un peu différemment de Vye quand même (Mamzelle M. ne peut pas l'encadrer et il est hors de question de voir Eli se braquer comme il l'a fait avec elle). Elle présente ainsi la chose comme une question issue de l'intarissable curiosité féminine.
− Et Jake, il avait un poney ?
Une nouvelle fois Eli sourit.
− M'en a jamais parlé, mais va savoir, quand il était enfant...
Mamzelle M. le tient, la question lui brûle les lèvres, elle lâche le paquet :
− Ça le ferait ressembler à Nate alors ?
Le silence devient lourd, la lumière s'assombrit le poisson rouge arrête de faire des bulles et Mamzelle M. attrape la couverture parce qu'il fait brutalement très froid.
Fort malheureusement pour les écologistes (car le réchauffement climatique aurait été très brutalement inversé par ce pavée balancé en pleine marre), le docteur Podbrossili est de retour avec son patient préféré : Enzo Leblanc. Celui-ci vient une nouvelle fois de se faire larguer par une de ses petites amies avec qui il sortait dans l'espoir de rendre jalouse Anne.
Il entre dans la chambre et se jette sur Mamzelle M.
− J'te déteste ! J'te déteste ! Pourquoi je me suis encore fait larguer hein ? C'est ta faute avec tes scénarios tordus !
Comme Enzo est un peu trop violent, Eli se retrouve obligé d'intervenir. En vitesse Mamzelle M. sort de la chambre. Cela faisait partie du plan ça aussi. Elle s'installe dans la cuisine avec Anne et discute tranquillement du dernier voyage de la fausse psychologue qui lui réclame une augmentation.
Dans la chambre c'est le drame. Enzo est ceinture noire de taekwondo et se débat en tout sens, quant à Eli, il reste agent de l'UAFCT et se défend très bien. Il parvient cependant à plaquer Enzo au sol dans une position qui ferait allègrement sourire les fans de yaoi et autres romances entre messieurs.
− Calme-toi ! Plus un geste ! Ça va pas la tête de tenter de tuer ton employeur comme ça ?!
− Lâche-moi ! Tu sais rien de moi !
Enzo pleure à chaude larmes et ça fait peine à voir.
− Je te lâcherais pas tant que t'auras pas pris l'engagement de te calmer ! Elle va avoir des marques de strangulation avec tes conneries !
− Tu sais rien de moi ! Tu sais rien de ce qu'elle me fait ! Si t'étais à ma place toi aussi t'aurais envie de la tuer !
− Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?
Et sans le savoir, ainsi Eli s'ouvre à l'autre, laissant de côté sa douleur pour apaiser celle de quelqu'un dont il ignore tout...
− Lâche moi ! Connard !
− Connard toi-même !
Eli fait une clef de bras à Enzo sur le dos de qui il est assis.
− Aï ! Aï ! Aï !
− Ça va ? Ça te calme ?
− Aï !
Il relâche très légèrement le bras, pas assez pour qu'Enzo tente de se débattre mais suffisamment pour qu'il cesse de se plaindre. Au moins, ce genre d'interrogatoire un peu musclé, il connaît.
− C'est qu'une méchante ! gémit Enzo ! Je suis sûre qu'elle a tué des chatons !
− Pas de diffamation.
− Elle a décidé que j'étais orphelin ! Orphelin avec des souvenirs de ses parents naturellement ! Mais des parents assassinés par quelqu'un que j'aimais très fort ! Tu comprends ma haine ? Ensuite elle a fait croire à mon futur bonheur en me mettant dans les pattes Anne, mais il a fallu qu'on tente de me sacrifier dans une cérémonie pseudo celtique, je suis parti pour quinze jours de bateau pour le Guatemala et j'avais la nausée et elle m'a laissé en plan là-bas sans plus de nouvelles ! Mais c'est pas tout ! J'ai lu mon contrat, elle a ajouté plein de trucs pendant que j'étais pas là ! Elle a même ajouté de la romance et du policier alors que j'avais signé pour de l'aventure et c'était tout ! Anne va me larguer ! Et Anne c'est censé être l'amour de ma vie ! Si ça c'est pas de la cruauté ! Parce qu'après Anne, va y en avoir d'autres bien sûr, mais ce seront toutes de stupides filles avec qui je vais pas rester longtemps et qui vont me faire pleurer comme celle de tout à l'heure que Mamzelle M. n'a même pas pris le temps de nommer tellement elle en a rien à faire de mon ressenti ! J'ai toutes les raisons du monde de vouloir la tuer !
Eli le relâche, Enzo s'assoit et continue son récit :
− Et j'ai découvert qu'elle a imité ma signature pour me faire apparaître dans d'autres histoires où il ne m'arrive que des malheurs ! J'en ai marre de cette sadique ! J'en ai marre ! Tu me comprends hein ? Tu comprends mon état d'esprit pas vrai ?
Il pleure d'une manière assez horrible avec la morve et tout ça, mais Eli sent son réel désespoir et quand sans le prévenir Enzo l'enlace pour réclamer le réconfort de ce confident de passage, il pense au poney en peluche de son enfance et lui tapote le dos en se disant que les écrivains sont tous des sadiques sans c½ur et que c'est envers eux que l'UAFCT devrait en avoir plutôt qu'envers les femmes...

Rapport du psychologue :
Notez qu'Eli est parvenu à ne pas se montrer égocentrique pendant quelques instants, et que même s'il a inversé le changement climatique par sa froideur, il n'a pas mal pris la mention de Jake. Il est aussi à noter que la thérapie collective comme elle a été pratiquée lors de cette séance en la présence d'Enzo Leblanc a fait du bien à l'un comme à l'autre. Je pense que c'est le mot thérapie et psychologue qui font peur à Eli et qu'il serait bon de l'obliger à sortir régulièrement pour lui faire rencontrer des gens différents. Remarquez aussi l'effet dévastateur du chocolat qui semble lui avoir fait un bien fou.
Bien à vous,
Anne Podbrossili
Tags : Intermède
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#Posté le dimanche 27 janvier 2013 12:19

Intermède #3 : Jack White pour les nuls

Intermède #3 : Jack White pour les nuls
Régulièrement, quand je crie au monde mon amour pour Jack White, on me dit "mais en fait je connais pas, il a fait quoi ?" et bon, je fais écouter Seven nation army et on me dit "ah ouiii", mais le problème, c'est que Jack, c'est pas que Seven Nation Army. Il a fait tout un tas de trucs, et généralement, je sais pas quoi conseiller parce qu'il y en a trop.
Et, bref, la semaine dernière, alors que j'avais tout un tas de choses importantes à faire, genre travailler, je procrastinai, as usual, et puis je me suis mise à lister mes chansons préférées de Jack. Et puis je me suis dit que je vous les ferais bien partager. Alors voilà : un abécédaire, 26 lettres (enfin, un peu moins, parce que pour certaines il y avait pas de chanson alors j'ai comblé les trous avec d'autres), 26 chansons. Quelques absentes, parce qu'il y avait des lettres difficiles (ça m'a brisé le coeur d'omettre Carolina drama et Die by the drop mais les choix à ces lettres étaient sans appel), mais dans l'ensemble, un choix que je pense assez éclectique, de quoi plaire à tous les goûts : du conceptuel, du garage, de la country, de l'acoustique, du rock, de la pop, du studio, du live, du calme, du violent, du vieux, du neuf. Avec, en plus, le nom des groupes et des albums, si vous voulez creuser un peu. Une playlist découverte, en somme. Pour vous.
(Ah oui, je tiens à préciser, ce choix est totalement subjectif. Il se peut que vous n'ayez pas les mêmes chouchoutes. Ce ne sont pas les meilleures de manière absolue, juste mes préférées.)

Air near my fingers - The White Stripes - Elephant
Black Jack Davey - The White Stripes - reprise
Cannon - The White Stripes - The White Stripes
Do - The White Stripes - The White stripes
Effect and cause - The White Stripes - Icky Thump
Fell in love with a girl - The White Stripes - Under Great White Northern Lights
Gasoline - The Dead Weather - Sea of Cowards
Hands - The Raconteurs - Broken Boy Soldier
I'm lonely (but I ain't that lonely yet) - The White Stripes - Get behind me Satan
Jolene - The White Stripes - Under Great White Northern Lights (reprise)
K - I'm Shakin' - Jack White - Blunderbuss
Love interruption - Jack White - Blunderbuss (bonus - I was there !)
Machine gun silhouette - Jack White - Blunderbuss (B-side)
Never far away - Jack White - Cold Mountain (soundtrack)
On and on and on - Jack White - Blunderbuss
Portland, Oregon - Jack White & Loretta Lynn - Van Lear Rose
Q - Screwdriver - The White Stripes - Walking with a Ghost
Rolling on a burning tire - The Dead Weather - B-side
Switch and the spur (the) - The Raconteurs - Consolers of the Lonely
Two against one - Jack White, Daniele Luppi & Danger mouse - Rome (bonus - I was there !)
U - I'm slowly turning into you - The White Stripes - Under Great White northern Lights
Van Lear Rose - Jack White - reprise
Walking with a Ghost - The White Stripes - Walking with a Ghost (reprise)
X - We're going to be friends - The White Stripes - Under Great White Northern Lights (bonus - I was there !)
You don't know what love is - The White Stripes - Icky Thump
Z - St James infirmary blues - The White Stripes - The White Stripes


Bonus : pas une chanson de Jack, mais une chanson sur Jack - have fun !
Et maintenant, si vous avez des questions, des réclamations... je suis là pour ça. =)
(Et même que pour vous éviter de chercher et cliquer partout et tout je vous ai fait une playlist Grooveshark avec tout ça... Bon, la version de Black Jack Davey n'est pas exactement celle que je voulais, mais ça ira quand même...)

Intermède #3 : Jack White pour les nuls
Tags : Intermède, Jack White
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#Posté le dimanche 17 mars 2013 12:48

Modifié le dimanche 23 juin 2013 11:59

Intermède #4 : Sam

Intermède #4 : Sam
Sam était tranquillement en train de faire la grasse matinée dans son lit, quand soudain, Mamzelle M. a eu l'excellente idée de venir le déranger avec quelques questions. Le principe ? Révéler 11 choses personnelles et répondre à 11 questions.
Bon, eh bien... allons-y.

Intermède #4 : Sam

- J'ai 28 ans.
- Je n'ai pas vu mes parents depuis sept ans.
- Ma soeur est ma meilleure amie.
- J'aime cuisiner, surtout pour les autres.
- Je n'aime pas être seul.
- Je n'ai jamais été du genre à ouvrir ma gueule.
- Quand j'ai décidé de faire des études de psycho, ça a été le drame dans ma famille.
- J'aimerais vivre à la campagne.
- J'aimerais retourner vivre en Irlande.
- La partie de mon métier que je déteste est celle où je dois rendre des comptes à ue autorité supérieure.
- Celle que je préfère, c'est quand je peux aider les gens juste en les écoutant.

Intermède #4 : Sam

1) Quel est votre animal préféré ?
Peut-être les chats. Ou les lémuriens. Vous savez, une petite boule de poils qui vient se rouler en boule sur vos genoux en vous regardant avec de grands yeux remplis d'amour.

2) Votre auteur préféré ? 
J'en ai pas vraiment. Je lis souvent des livres de psycho, sinon, parfois, des romans, un peu ce qui me tombe sous la main en premier. Je suis pas sectaire, je lis n'importe quoi. *rire*

3) Quelle a été votre plus grande peur ?
Perdre ma soeur.

4) Les enfants et vous ?
J'ai envie de préserver toute leur innocence. De leur dire que tout ira toujours bien et qu'ils pourront réaliser leurs rêves et devenir ce qu'ils veulent et qu'il n'y aura personne pour les en empêcher. J'aime les enfants. Ils ont en eux toute cette pureté, toute cette joie de vivre que beaucoup perde en grandissant et parfois j'aimerais qu'ils ne grandissent pas.
J'aimerais bien en avoir. * sourire*

5) Comment êtes-vous habillé aujourd'hui ?
Aujourd'hui c'est dimanche et je suis de repos, alors je porte juste un caleçon, un tee-shirt sale et un sweat gris à capuche. Rien de très glamour, désolé. *rire*

6) Est-ce que vous aimez le fromage ?
Oui ! J'aime manger, de manière générale. Et cuisiner.

7) Que pensez-vous du dernier personnage avec lequel vous avez parlé ?
Nate ? *lève les yeux au plafond, cherchant l'inspiration* C'est quelqu'un... d'intéressant. J'ai à la fois l'impression de le comprendre parfaitement et pas du tout. Je pense qu'on pourrait devenir amis, si... s'il le veut bien.

8) Quel plat cuisinez-vous le mieux ?
Je suis plutôt doué de manière générale, mais je pense que ma spécialité c'est le curry de poulet. Je vous en ferai, un jour, si vous voulez.

9) Votre plus grosse bêtise d'enfant ?
Fuguer. J'avais 13 ans, Vye 15, elle était sortie un soir avec ses amis et j'ai voulu les suivre. Je les ai perdus de vue, je me suis perdu dans Dublin, j'ai dormi sur un banc et c'est la police qui m'a ramené chez moi au matin. Je me suis fait engueuler comme il faut, Vye a refusé de me parler pendant deux mois parce qu'elle était privée de sortie par ma faute, et j'ai appris par coeur le plan de la ville pour que ça n'arrive plus jamais.

10) La politique et vous ?
Je m'y intéresse, mais je ne m'implique pas. Comme je disais, je suis pas du genre à ouvrir ma gueule.

11) Que pensez-vous des utopies ?
Il en faut. Elles sont nécessaires.

Intermède #4 : Sam
Intermède #4 : Sam
Intermède #4 : Sam
Intermède #4 : Sam
Tags : sam, Intermède
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#Posté le dimanche 09 juin 2013 05:44

Modifié le dimanche 09 juin 2013 05:56

Intermède #6 : Septième sans ascenseur.

Oui non j'ai décidé qu'il y aurait pas de chapitre aujourd'hui parce que je suis comme ça moi j'aime bien vous laisser en plein suspens insoutenable et interrompre avec un truc qui n'a rien à voir (dites-vous que c'est la pub). Du coup à la place, histoire de tester la théorie du hot and cold, voilà une histoire toute fluffy de jeunes kékés (tiens donc) que j'avais écrite pour un AT mais qui a pas été retenue parce qu'elle rentrait pas assez dans le thème des 7 péchés. Tant pis pour eux, du coup vous pouvez la lire gratuitement. Big up au passage à Kalli Flo et Aleks qui m'avaient aidée à la corriger.
Voilà mes chatons ! Je vous laisse avec une histoire toute pleine de nourriture et de vinyles et de chapeaux de cowboys et de guitares et de vestes en cuir – que des trucs cools, quoi – et je retourne m'extasier sur le fait que JE VAIS VOIR JACK EN JUIN DEUX SOIRS DE SUITE IIIIIIIIH.
(quand j'aurai la foi, je mettrai une image. un jour.)





—   Non mais j'aime tellement manger !
—   C'est peut-être pour ça que tu devrais apprendre à cuisiner.
Stephen s'arrête, son éclair au chocolat à la main, et se tourne vers Marianne, un air outré sur le visage.
—   Mais... mais ça n'a rien d'intéressant ! Quand tu cuisines, tu as toute cette nourriture sous les yeux et tu peux pas y toucher parce qu'elle doit servir à faire d'autre nourriture. C'est de la torture ! Et puis c'est long.
—   Torture ou pas, maintenant que tu vis tout seul il va bien falloir que tu t'y mettes : déjà que payer le loyer sans Marcus va être difficile, tu peux pas en plus te permettre de toujours manger dehors. Surtout sans salaire...
—   Bah, t'habites pas très loin, la taquine-t-il en mettant son bras sur ses épaules.
Elle le dévisage d'un air dédaigneux en se remettant à marcher.
—   C'est ça, oui, et puis quoi encore. Si tu veux te faire inviter, va chez papa et maman, ils seront ravis !
—   Oui, bien sûr, ils seront surtout ravis de me demander quand est-ce que je vais trouver un vrai travail et une copine.
—   Ils ont peut-être pas tort : à voir comme ça, on a pas l'impression que tu fais grand chose de ta vie.
—   Et la musique, dit-il en touchant l'étui de la guitare dans son dos, tu crois que ça se fait par magie ? Je suis bien occupé, avec le groupe.
—   Ouais, avec vos trois concerts par mois qui vous rapportent vingt euros chacun ?
—   Eh, en janvier on en a fait sept ! et on a réussi à écouler presque cent disques en quatre mois.
—   C'est ça, va raconter ça à papa et maman, sourit-elle.
Il enfourne la dernière bouchée de sa pâtisserie et, se léchant les doigts, marmonne la bouche pleine :
—   De toute façon je vais me trouver un autre coloc, t'inquiète pas. C'est pas ça qui manque, les gens qui cherchent un logement, sur Paris.
—   Bon allez, si tu trouves quelqu'un qui veut bien partager ton taudis, tu me tiens au courant. Je t'abandonne là, je retourne bosser.
Elle lui plante une bise sur chaque joue et s'éloigne dans une rue transversale avec un geste de la main et un sourire.
—   C'est pas un taudis ! Et merci pour le repas ! crie-t-il derrière elle.
 
Remontant son casque sur ses oreilles alors qu'il met son mp3 en route, il soupire. Sa s½ur n'a pas tout à fait tort. À vingt-cinq ans, il n'a pas de diplôme – il a arrêté la fac après un semestre en langues – et a tout misé sur la musique. Son groupe, Chaos Talking, est son troisième, et commence à se faire une petite réputation en région parisienne. Ils ont participé à quelques tremplins, joué dans quelques bars, et, eux ou trois fois, en première partie de groupes locaux plus connus. Ils ont même réussi à se payer trois jours d'enregistrement en studio pour leur album, qu'ils arrivent à vendre au compte-goutte. C'est la première fois que l'un de ses projets arrive aussi loin, et il n'a pas envie d'arrêter maintenant. Mais voilà, il a un loyer à payer – double, même, depuis que son ancien coloc a pris un appart avec sa copine –, des factures à régler, des disques à acheter, et sa musique paye pas vraiment pour tout ça. Du coup, il cumule les petits boulots – distribuer des prospectus à la sortie du métro ou dans les boîtes aux lettres, aider sur les marchés – et joue même des fois dans la rue, juste pour boucler ses mois. Et, même si ce mode de vie ne le dérange pas spécialement, ça lui fait un peu peur de se dire qu'il va peut-être passer sa vie comme ça, à rester un musicien de pacotille qui lutte pour joindre les deux bouts. Surtout que si, un instrument de musique entre les mains, il est plutôt doué, dès qu'il lui faut faire face à la vie courante, il est totalement désemparé. Quand ils ont trouvé leur appart, il y a deux ans de ça, c'est Marcus qui avait réglé tous les problèmes logistiques. Et puis, comme l'a souligné Marianne, lui qui aime tant manger, il ne sait pas cuisiner – d'ailleurs, ça fait dix jours qu'il mange en alternance du riz, des pâtes et des sandwichs.
Et maintenant, il lui faut se trouver un nouveau colocataire et la tâche lui semble insurmontable – sans parler du fait de changer tous les noms sur les factures, contrats d'électricité et compagnie. Pour chasser la panique qui menace de l'envahir à cette simple pensée, il monte le volume de la musique et presse le pas pour ne pas être en retard à leur répèt.
 
—   Eh mais, je crois qu'il y a un pote de Sarah qui cherche un appart, dit Nico, le batteur, quand ils font une pause dans leur répétition.
Stephen s'essuie la bouche en refermant la bouteille d'eau.
—   Ben dis-lui de lui donner mon numéro, on sait jamais.
—   Ouais. Je sais pas qui c'est, par contre, je crois qu'il sortait avec une pote à elle ou un truc du genre, je l'ai jamais vu.
—   Bah au pire si c'est un sale con, je lui dis que non et voilà.
—   Comme si t'avais le choix, raille Baptiste, le bassiste et chanteur du groupe.
—   C'est bon, je vais poster une annonce de toute façon.
—   Ah ouais, quand ça ? Quand tu seras interdit bancaire ?
Stephen soupire et rajuste la sangle de sa guitare sur son épaule, puis place le capo sur le manche.
—   Bon, on y retourne ? Je commence à avoir les doigts qui refroidissent, moi.
 
À 9h30 le lendemain, Stephen est réveillé en sursaut par la vibration de son téléphone à côté de l'oreiller. Il se racle la gorge pour s'éclaircir la voix et décroche.
—   Allo ?
—   Euh... Stephen ?
—   Ouais ?
—   C'est Ollie. Enfin, Olivier. Le pote de Sarah. Elle m'a dit que tu cherchais un coloc.
—   ... Ouais ? Ouais, pardon, je viens de me réveiller. Mais ouais. Du coup ça t'intéresse ? Tu veux venir voir ?
—   Ben en fait, je suis un peu dans la dèche, niveau logement, ces temps-ci, du coup je suis carrément intéressé.
—   Cool ! Tu peux passer quand ? Par contre, c'est au septième sans ascenseur.
—   Ah, pas grave. Cet aprèm ? Je peux passer vers 16h, entre mes deux services. Si t'es là ?
—   Ouais. Ouais, je suis là. Enfin, je serai là.
—   Super. Tu me donnes l'adresse ?
Après s'être trompé deux fois de numéro et avoir bégayé sur le nom de la rue, Stephen raccroche et se laisse retomber sur son lit, à la fois anxieux et soulagé. Il a peut-être trouvé un coloc. Et si ça se passait mal ? Et si c'était un con, comme a dit Nico ? Et s'il aimait pas l'appart ? Et s'il l'aimait pas lui ? Ça l'arrangerait tellement que le courant passe. Ça lui éviterait tout un tas de démarches.
Il tourne la tête sur le côté et détaille sa chambre. Il pourrait peut-être au moins faire l'effort de ranger, histoire qu'Olivier – Ollie – n'aie pas l'impression de tomber sur un dépotoir. Il soupire et, se frottant les yeux, se lève. Autant s'y mettre maintenant, vu le boulot.
 
Quand l'interphone sonne, peu après 16h, Stephen a eu le temps de passer le balai partout, faire la vaisselle et même d'étendre une lessive. Des mois qu'il avait pas été aussi productif. Bon, à côté de ça, c'est tout juste s'il a eu le temps de manger une pomme fripée qui traînait dans un placard – dernier cadeau de Marcus – et il a passé la journée à se nourrir de café, mais il se sent quand même fier de lui. Il invite Olivier à monter et va l'attendre dans la cage d'escalier.
—   Eh, sympa le chapeau de cowboy, dit-il en lui serrant la main. Ça va, pas trop essoufflé ?
—   Merci. Nan, c'est bon, ça va, l'exercice me fait pas peur.
—   Tant mieux. T'es sportif ?
—   Pas tellement. Enfin...
Stephen tient la porte ouverte et Ollie franchit le seuil.
—   Là c'est la pièce commune, explique-t-il en fermant derrière lui. Bon, y a pas de hotte dans le coin cuisine, mais sinon c'est assez cool. En général Marcus aérait en ouvrant la fenêtre.
—   Marcus, c'était ton ancien coloc ?
—   Ouais. Il est a trouvé un appart avec sa meuf. Et un vrai boulot.
Olivier tourne sur lui-même, examinant la pièce. Dans un coin, sous la pente du toit, derrière une table basse Ikea, un canapé marron un peu défoncé côtoie une étagère à moitié remplie de vieux livres de poche jaunis. Le mur d'en face est recouvert par une cuisine à moitié équipée et à moitié propre en formica bleu. Au milieu trône une table en bois entourée de deux chaises. Le parquet grince sous ses pieds.
—   Sympa, commente Ollie.
—   Ouais. 'Fin, Marcus a pris une partie des meubles, c'est pour ça qu'on a plus que deux chaises. Il a emporté un fauteuil aussi. Et le four. Et la poubelle. D'où le gros sac moche qui traîne. Tu veux voir la chambre ?
En passant dans le couloir, Stephen regrette de pas avoir fermé la porte de sa propre chambre. C'est le seul endroit qu'il n'a pas eu le temps de ranger. Dans le coin, son bureau et sa chaise ont disparu sous les vêtements à moitié sales, tandis que ses disques et vinyles débordent des étagères, posés en piles aléatoires là où il les a consultés la dernière fois, laissant tout juste un passage pour accéder au coin hifi. Sa guitare et son ukulélé sont posés sur son lit – il a dû faire de la place pour mettre le séchoir au milieu de la pièce. Sa basse, elle, repose contre le tabouret de la batterie.
—   Tu fais de la musique ? demande Ollie alors que Stephen essaye de passer devant sans s'arrêter.
—   Ouais. Surtout de la guitare, mais pas que.
Olivier s'appuie un instant contre le chambranle de la porte et passe la tête à l'intérieur.
—   Ah ouais, ça se voit que c'est ta passion.
Ils continuent et Stephen ouvre la porte suivante.
—   Et là c'est ta chambre. Enfin, peut-être. Si tu veux.
Il lui montre ensuite la salle de bain, dernière pièce en enfilade, et ils retournent au salon en discutant des détails techniques – loyer, charges, et le ballon d'eau chaude il se vide vite ?
—   Assieds-toi, l'invite Stephen en désignant le canapé. Tu veux boire quelque chose ? Une bière ? C'est tout ce que j'ai. Ou du café. Ou de l'eau.
—   Vu l'heure, un café ce sera mieux. Je bosse ce soir.
—   Ah, ok. Et tu fais quoi comme boulot ?
—   Je suis cuisinier.
Stephen se retourne lentement de la cafetière qu'il est en train de remplir.
—   Sérieux ? Mais c'est trop bien.
—   Ouais, les horaires sont un peu relous, des fois, notamment si tu veux sortir, mais j'aime bien.
—   Mais c'est génial ! La nourriture c'est tellement la vie !
Ollie rit.
—   Et toi, tu fais quoi ?
—   Je suis musicien, comme t'as vu. Enfin, j'essaye. Je fais des petits boulots à côté.
—   Et tu fais quoi comme musique ?
—   Plutôt rock. Enfin ça dépend, on a un peu tous types d'influences. Blues, jazz, country, un peu d'électro... on pioche un peu partout. Mais toi, alors, tu bosses où ? T'es cuisinier depuis longtemps ? demande Stephen en venant s'asseoir à côté de lui tandis que le café passe.
—   Là je bosse dans une brasserie, mais j'essaye de monter mon propre resto.
—   Wah, mais c'est trop bien ! Je veux dire... tu sais faire à manger. C'est genre un des trucs les mieux du monde.
—   T'es toujours aussi enthousiaste quand il s'agit de nourriture ? rit Olivier.
—   Ouais. J'aime tellement manger. Ça, de la musique et des filles... j'ai besoin de rien d'autre. T'es pas d'accord ?
—   Seulement aux deux tiers.
—   Quoi, t'aimes pas la musique ?!
—   J'aime pas les filles. Enfin, si, mais...
—   Oh. T'es gay ? Ok, cool. Enfin, je veux dire, ça me pose pas de problème. Tu fais ce que tu veux.
—   Encore heureux, sourit-il.
Alors que Stephen se relève pour aller chercher le café, Ollie ajoute :
—   Ceci dit, je m'y connais pas tellement en musique.
—   Mec, si t'emménage ici, je vais t'arranger ça, dit Stephen en se retournant.
Il revient avec une boîte de sucre et deux tasses pleines. Il en tend une à Ollie et s'assoit.
—   Bon et alors, ça te convient ?
—   Assez, ouais, répond Ollie en lui souriant, portant le mug à ses lèvres.
—   Cool, sourit Stephen en retour. J'avoue tu m'arranges bien.
—   Toi aussi.
 
Ollie emménage le weekend suivant, et Stephen est ravi de voir qu'il a non seulement un four dans ses bagages, mais aussi tout un tas d'ustensiles de cuisine qu'il n'a jamais vus qu'à la télé. Il n'en revient toujours pas de sa chance : il a un coloc qui sait cuisiner.
Malheureusement, il réalise bien vite qu'un cuisinier n'est, d'une part, pas souvent à la maison à l'heure des repas, et que d'autre part, quand il est là, il a pas vraiment envie de se croire au boulot.
—   Pourquoi tu fais jamais à manger ? lui demande-t-il un jour d'un ton suppliant.
—   Et toi, pourquoi tu fais jamais autre chose que des pâtes ?
—   Je sais pas cuisiner.
—   Sérieux ? Toi qui dis que « la nourriture c'est la vie », tu sais pas cuisiner ?
—   C'est long. Et compliqué.
—   C'est parce que t'as jamais vraiment essayé. Viens, je vais te montrer.
Ollie se lève du canapé et se rapproche de la table, à côté de laquelle Stephen se tient pathétiquement debout, un paquet de pâtes à la main.
—   Tiens, tes pâtes, là, par exemple, tu comptes les manger avec quoi ? demande Ollie en ouvrant le frigo.
—   Du beurre ?
—   Ok, on va faire mieux que ça. Sors une poêle.
Pendant que Stephen s'exécute, il dépose sur la table un poivron fripé, un oignon et une boite de lardons approchant de la date de péremption. Puis, attrapant un couteau et une planche à découper, il commence à les émincer après les avoir passés sous l'eau. La poêle à la main, Stephen le regarde faire, abasourdi, quelques secondes, avant qu'Ollie ne relève la tête et, dans un sourire, lui lance :
—   Bah alors, t'attends quoi ? Mets la poêle à chauffer !
—   Mais... tu fais ça vachement vite ! T'es super agile de tes mains !
—   Je sais, on me le dit souvent, répond-il en baissant les yeux.
Après avoir allumé les plaques, Stephen va s'asseoir à la table, et, le menton dans la main, admire la dextérité d'Ollie.
—   Je serai jamais capable de faire ça, commente-t-il tristement.
—   Alors un solo de guitare hyper compliqué ça te fait pas peur, mais un poivron et un couteau si ?
—   Mais ça n'a rien à voir !
—   Si, c'est pareil : ça s'apprend. Viens, tu vas essayer.
Stephen soupire et se lève, puis va se placer à côté de lui. Ollie lui tend le couteau et se décale pour lui laisser la place.
—   Vas-y. D'abord en lamelles, puis après en carrés.
Incertain, Stephen pose la pointe du couteau sur la peau rouge du poivron, puis appuie. La pointe s'enfonce dans le bois, bloquant le couteau.
—   Eh, du calme, t'essayes pas de tuer quelqu'un ! rit Ollie. Vas-y plus doucement.
Stephen se plie lentement à l'exercice et quand, au bout de plusieurs minutes, il a fini, il chouine.
—   Mais les miennes sont moches ! regarde, tes morceaux sont fins et tout, et moi ça ressemble à rien !
—   Ça viendra, t'inquiète pas. Allez, pareil avec l'oignon.
Cette fois, Stephen peine encore plus au travers de ses larmes.
—   Mais tu fais ça tous les jours ?
—   Ouais. Et on me paye même pour le faire.
—   Mais c'est limite de la torture ! renifle Stephen.
—   Faut penser au résultat, c'est ça le truc. C'est comme quand t'as appris à jouer de la musique, j'imagine. Au début, c'est galère, tu comprends rien, ça ressemble à rien et tu te dis que t'y arriveras jamais, mais t'as tellement envie de savoir jouer ce morceau que tu t'acharnes. Et un jour, t'arrives à la jouer et c'est encore mieux que ce que t'imaginais parce que ça a aussi le goût du travail que tu y as mis, et c'est toi qui as fait ça, tout seul, et c'est la meilleure sensation au monde.
Stephen le fixe plusieurs secondes, puis essuie ses yeux embués avec sa manche.
—   Je sais pas si je préfère quand tu cuisines ou quand tu parles de cuisine, en fait, conclut-il.
Ollie rit.
—   Allez, jette tout ça dans la poêle.
 
—   Eh mais c'est vraiment bon, s'exclame Stephen alors qu'il a déjà à moitié fini son assiette.
—   Bien sûr que c'est bon, tu t'attendais à quoi ?
—   Par contre, ça manque un peu de, je sais pas... d'épices ?
—   Tu peux rajouter du curry dedans, normalement.
—   Ouais, voilà, par exemple. Parce que là, c'est bon, mais c'est comme si c'était un peu... fade ? je sais pas, j'ai l'impression qu'on percevrait plus le goût du reste si c'était relevé par autre chose.
—   T'as quand même un goût développé, pour quelqu'un qui sait pas cuisiner, admire Ollie.
—   J'aime manger.
Ollie le fixe quelques secondes, puis demande :
—   Est-ce que je peux te demander un truc ?
—   Ouais, quoi ?
—   Est-ce que... Tu sais que je veux ouvrir un resto ?
—   Ouais.
—   Bref, là je suis en train de chercher un local ou un fonds de commerce à reprendre, mais à côté j'essaye d'élaborer une carte... est-ce que tu voudrais bien goûter ? Pour me donner ton avis ?
—   Tu me demande de manger ? Gratuitement ? Des trucs que tu vas vendre ?
—   Ouais ?
—   Bien sûr que je suis d'accord !
Ollie sourit.
—   Je m'en doutais.
 
Le lendemain soir, quand Ollie rentre du travail, Stephen l'alpague en sortant du salon, un verre d'eau à la main.
—   Eh, viens, je veux te faire découvrir un truc.
Sans attendre de réponse, il l'attrape par le poignet de sa main libre et l'entraîne dans sa chambre. Posant son verre sur un coin libre du bureau, il fait asseoir Ollie sur le lit, qu'il commence à dégager, poussant les fringues au sol et posant la guitare contre la batterie.
—   Tiens, allonge-toi.
—   Quoi ?
—   Allonge-toi, ferme les yeux et fais-moi confiance.
—   Qu'est-ce que...
—   Tu m'as dit que t'y connaissais rien en musique : je vais te faire écouter un de mes disques préférés.
Les sourcils froncés et les yeux marqués par la fatigue d'une dure journée, Ollie le regarde fouiller dans les piles de vinyles jusqu'à ce qu'il trouve celui qu'il cherche. Il brandit la pochette vers lui :
—   Reflektor, d'Arcade Fire. C'est une merveille, tu vas voir. Pas forcément facile d'accès, mais quand tu l'as compris... waouh, quoi.
Délicatement, il en tire le disque, qu'il pose sur la platine avant d'y mettre la tête de lecture.
—   Allonge-toi, je te dis, et écoute. Juste, écoute.
Soupirant, Ollie retire son chapeau et son sac à bandoulière qu'il pose sur le sol, puis s'exécute. Honnêtement, ce soir, il aurait juste eu envie de dormir, mais Stephen ne lui a pas vraiment laissé le temps de s'exprimer. Il entend la musique qui commence – comme un son de bulles, puis la batterie qui arrive –, et Stephen qui se laisse tomber sur le matelas à côté de lui avec un soupir de contentement.
Stephen s'immerge dans la musique. Ça, c'est un truc qu'il maîtrise. Analyser une chanson, un album, voir les lignes directrices, comprendre l'histoire et les mélodies, décortiquer les instruments et leur signification, il sait faire et ça l'apaise. Ça lui permet d'oublier qu'il n'a toujours pas appelé EDF pour mettre les contrats à son nom, ni gagné assez d'argent ce mois-ci pour payer son loyer. Il devrait prendre cinq minutes pour passer ce coup de fil, il devrait aller voir ses employeurs occasionnels, il devrait prévenir sa s½ur qu'il a trouvé un coloc, il devrait aller voir ses parents pour leur dire qu'il est encore en vie. Il devrait, et ça lui prendrait pas tant de temps que ça, mais il n'arrive pas à trouver en lui la force de s'y mettre. Alors il se réfugie dans ce qu'il sait faire : jouer de la musique et en écouter. Ça, c'est facile. Ça, ça lui rappelle qu'il est au moins doué dans un domaine.
Quand la première face se termine et qu'il se lève pour aller retourner le disque, il se tourne vers Ollie pour lui demander son avis. Mais ses yeux sont toujours fermés et sa respiration, régulière, lui indique qu'il s'est endormi. Regardant son réveil, il remarque qu'il est déjà presque une heure du matin. Il se sent soudain un peu coupable d'avoir forcé Ollie à le suivre alors qu'il n'avait peut-être pas envie.
—   Désolé, lui murmure-t-il même s'il sait qu'il ne l'entendra pas.
Ollie remue et se tourne sur le côté. Pris de remords, Stephen arrête la chaîne hi-fi, range le disque, puis revient se glisser dans son lit après avoir enlevé son pull et son pantalon. Il recouvre Ollie de la couette, n'ayant pas le c½ur de le réveiller pour qu'il aille dans sa chambre, et éteint la lumière.
 
Olivier se réveille en sursaut, étonné de n'avoir pas encore entendu son réveil et que le jour passe déjà au travers de ses rideaux. Paniqué, il tente de se redresser précipitamment, mais un bras posé en travers de son torse l'en empêche. Un bras ?
Les détails de sa situation lui reviennent peu à peu. Stephen, Arcade Fire, allonge-toi ferme les yeux et écoute, tout ça. Il ne sait même plus s'il a dépassé la première chanson. Il se sent un peu mal vis-à-vis de Stephen de ne pas avoir été capable de tenir, et d'autant plus de s'être endormi dans son lit. Mais surtout, il se demande pourquoi Stephen a son bras sur lui comme ça.
Il l'attrape délicatement par le poignet pour le repousser sans avoir à le réveiller, mais Stephen vient se coller encore plus contre lui.
Non non non, ça m'arrange pas du tout, et en plus il est déjà 9h30... 9h30 ? Merde merde merde je devrais déjà être parti !
Sans plus se soucier de délicatesse, il repousse Stephen et la couette, puis sort du lit. Il attrape son sac et son chapeau au sol, puis se précipite hors de la chambre en se demandant s'il a le temps de prendre une douche. Hm, vu l'odeur, c'est nécessaire. Il se donne cinq minutes.
Quand il ressort de la salle de bain, des vêtements propres sur le dos et ses boucles châtain humides sur sa nuque, Stephen est en train de bailler, les cheveux ébouriffés, appuyé contre la porte de sa chambre.
—   Hey, l'alpague-t-il.
—   Désolé, lui lance Ollie en passant devant lui, osant à peine le regarder. Pour hier soir. de m'être endormi, tout ça.
—   Pas grave, t'inquiète, répond Stephen d'une voix ensommeillée alors qu'il est déjà à la porte d'entrée.
—   Je suis en retard, à plus tard !
La porte claque derrière Ollie.
Encore dans les vapes, Stephen retourne s'affaler sur son lit. Est-ce qu'il a fait quelque chose de mal ? Est-ce qu'Ollie lui en veut ? Il se sent encore plus mal que la veille. S'il peut même pas s'entendre avec son colocataire, qu'est ce qu'il lui reste ? Avec Marcus, c'était plus simple. Enfin, au début. Ils se connaissaient depuis le lycée, ils jouaient dans le même groupe, écoutaient la même musique, avaient les mêmes potes. Bon, après ça, Marcus a rencontré Nathalie et décidé d'avoir un boulot stable, d'arrêter la musique et de « devenir un adulte », selon ses propres mots (enfin, ses propres mots étaient plutôt « Tu peux pas rester un ado toute ta vie, Stephen, il y a un moment où tu vas devoir grandir, de gré ou de force, et il vaudrait mieux pour toi que ce soit de gré ! », mais Stephen n'aime pas trop s'en souvenir avec précision alors il préfère abréger), et leur relation avait changé, mais à la base, c'était facile. Ils savaient ce qu'ils pouvaient attendre de l'autre. Là, il se rend compte qu'il ne sait rien d'Ollie, et que si ça se trouve, il le trouve stupide, chiant et paresseux. C'est vrai, du point de vue d'Ollie, il ne fait probablement rien de ses journées et il est incapable de se débrouiller par lui-même. Il n'a pas de boulot, pas de copine, des potes qui travaillent – même Nico, c'est dire – et qu'il ne peut voir que le soir ou le weekend, et passer des heures à faire de la guitare passe difficilement pour de la productivité aux yeux de beaucoup. Et il ne sait même pas cuisiner. En plus, il l'a forcé à écouter un truc qui ne l'intéresse sûrement pas, sans lui demander son avis ni même s'il en avait le temps. Ollie doit probablement déjà en avoir marre de lui. Il devrait réfléchir un peu plus avant de faire des trucs comme ça ou de parler à tort et à travers.
Dégoûté de lui-même, il se roule en boule autour d'un de ses oreillers. Il s'excusera ce soir. Et puis, après ça, il le laissera tranquille. Pour de bon.
 
Quand Ollie rentre, il est minuit passé et, si la porte est fermée, il entend de la musique parvenir de la chambre de Stephen. S'arrêtant devant, il toque. Pas de réponse. Il frappe une nouvelle fois, plus fort.
—   Désolé, je vais baisser, lui parvient sa voix depuis l'autre côté de la porte.
Il prend ça pour une invitation à entrer et appuie sur la poignée.
—   Hey. Désolé d'être parti si vite ce matin, dit-il en passant la tête à l'intérieur.
—   C'est pas grave, soupire Stephen en s'accroupissant à côté de sa platine pour baisser le volume. C'est moi, désolé de t'avoir forcé à écouter ce disque hier.
—   C'était juste pas le bon jour. Le service était difficile, tout le monde est arrivé en même temps, et mon boss était sur les nerfs. Juste, demande-moi, la prochaine fois. Et désolé de m'être endormi dans ton lit, du coup. T'aurais dû me réveiller. En plus, je pue la bouffe, c'est horrible.
—   C'est bon, ça me gêne pas.
—   C'est vrai que toi, tant que ça se mange, ça te gêne pas, rit Ollie. Je peux rentrer ?
—   Si tu veux.
Il vient s'asseoir à côté de lui, par terre, contre le lit. Stephen attrape sa guitare folk posée sur le lit et aligne quelques accords sur la chanson.
—   Qu'est-ce que t'écoute ? demande Ollie après l'avoir regardé faire plusieurs secondes.
—   Broken Boy Soldier. Des Raconteurs. La chanson c'est « Call It A Day ».
—   Et ça raconte quoi ?
—   C'est triste. C'est la fin d'une histoire. C'est... y a plus d'espoir. Ils ont tout essayé et rien ne marche. Ils étaient pas sur la même longueur d'ondes, et il y en a un qui s'en est rendu compte avant l'autre. Et du coup l'autre est à la fois terriblement désespéré et en colère, contre celui qui l'a laissé et contre lui-même, et totalement démuni. Il est là, seul, et il a aucune idée de comment réagir, il veut juste que ça s'arrête. Qu'il puisse juste fermer les yeux et dormir pour oublier parce que rien de ce qu'il vit éveillé n'est supportable. Il est au bout du rouleau.
Ollie se tait, renverse la tête en arrière, ferme les yeux et écoute. La musique ; le craquement du vinyle ; les paroles ; les doigts de Stephen qui effleurent les cordes ; sa respiration à côté de lui.
—   Est-ce qu'il meurt ? demande-t-il quand les voix s'évanouissent dans la réverb.
—   Sûrement, répond Stephen.
Ollie tourne la tête vers lui, remarquant enfin le manque d'engouement dans sa voix.
—   Ça va ? demande-t-il, sincèrement intéressé. T'as l'air déprimé.
—   C'est la chanson. Je l'ai peut-être trop écoutée, répond Stephen, sans conviction ni lever les yeux.
—   Combien de fois ?
—   ... Toute la journée.
—   La chanson ?
—   Non, l'album.
Une pause.
—   T'es sûr que ça va ?
—   C'est bon, je te dis.
—   OK. Ben j'vais te laisser...
Pas de réponse.
—   Je peux juste te poser une question ? demande Ollie une fois debout, en baissant le regard vers Stephen, toujours penché sur sa guitare, qui ne l'a pas encore regardé une seule fois.
—   Vas-y.
—   T'as mangé quoi, aujourd'hui ?
—   Pourquoi tu demandes ça ? répond-il, sur la défensive.
—   Pour savoir.
—   Du chocolat.
—   Et ?
—   Du café.
—   Et ?
—   ... C'est tout, grommelle-t-il, vaguement coupable.
Ollie s'accroupit à côté de lui.
—   Écoute, si tu m'en veux pour hier, je comprends, mais...
—   Je t'en veux pas, laisse abruptement échapper Stephen.
—   Alors qu'est-ce que t'as ?
—   Rien. Laisse tomber.
Ollie soupire.
—   Si tu veux pas m'en parler, OK, mais laisse-moi aller te cuisiner un truc. Je peux pas te laisser le ventre vide comme ça.
—   C'est bon, t'embête pas.
—   Ça m'embête pas.
Il lui pose la main sur le bras et appuie légèrement dessus alors qu'il se relève.
Stephen cesse de jouer et laisse sa tête retomber en arrière sur les dernières notes de « Blue Veins ». Pour le laisser tranquille, c'est mort. Tant qu'à faire, il se lève, pose sa guitare sur son lit et le rejoint dans la cuisine.
—   Je suis désolé, répète-t-il en s'asseyant à la table.
—   T'inquiète, on a tous nos mauvais jours, répond Ollie sans se retourner.
Il a enlevé son chapeau, remonté ses manches, et s'affaire au-dessus des plaques.
—   Te sens pas obligé de t'occuper de moi. Je peux le faire tout seul.
—   Oui, j'ai vu ça, rétorque Ollie en lui jetant un coup d'½il moqueur par-dessus son épaule.
—   Non mais je suis pas comme ça tous les jours.
—   Encore heureux, ce serait à se demander comment t'as survécu jusque là.
L'odeur de ce qui cuit et le sourire d'Ollie commencent à le revigorer. Il se sent déjà mieux. Peut-être qu'Ollie l'aime bien quand même, finalement.
—   De musique et d'eau fraîche. Mais ça sent pas aussi bon que ce que tu fais. C'est quoi ?
—   Des pommes de terre sautées au thym.
—   T'étais pas obligé.
—   Je sais.
Quelques minutes plus tard, Ollie dépose une assiette fumante devant lui et s'assoit en face.
—   Alors ? Tu veux en parler ou pas ?
—   Pas trop.
—   OK.
Stephen porte la fourchette à sa bouche et ferme les yeux, laissant échapper un soupir de contentement soulagé.
—   Hmmmm... c'est tellement bon.
Ollie sourit.
—   T'es parfait, ajoute Stephen en ouvrant les yeux.
Ollie sourit encore plus.
 
Le téléphone de Stephen vibre dans sa poche, et il retire son casque pour pouvoir décrocher.
—   Allo ?
—   Alors comme ça t'as un nouveau coloc et c'est par Nico que je l'apprends ? lance la voix de Marianne.
—   Je voulais te le dire.
—   Ben au bout de trois semaines, il serait temps. Il paraît que c'est le pote gay de Sarah.
—   Possible.
—   Comment ça « possible » ? Tu connais pas ton propre coloc ou quoi ?
—   Ben c'est un pote à Sarah et il est gay, donc possible, oui. Après, de là à dire que c'est « le pote gay de Sarah »...
—   Rooh, joue pas sur les mots. Alors, ça te fait pas trop peur ?
—   De quoi ?
—   Qu'il soit gay.
—   Pourquoi ça me ferait peur ?
—   Je sais pas, il pourrait essayer de te violer.
—   Il est plutôt sympa, c'est pas son genre.
—   C'est le genre de tous les mecs.
—   Et tu t'y connais sur le sujet parce que t'en es un ? raille-t-il.
—   Je m'y connais sur le sujet parce que je suis une fille, répond-elle avec le plus grand sérieux. Bref, fais attention, quand même.
—   C'est bon, je suis quand même un grand garçon, je sais juger les gens.
—   Tu crois que tout le monde est gentil, Stephen, ça n'a rien à voir.
—   Mais il est gentil. Il est cuisinier ! Il me fait à manger.
—   C'est bien ce que je dis, soupire-t-elle. Du moment qu'on te remplit le ventre, tu aimes tout le monde !
—   Tu devrais venir à la maison pour le rencontrer, tu verrais toi-même.
—   C'est ça oui, il va me falloir une meilleure raison que ça pour grimper tes sept étages. Enfin bref, j'ai aussi eu maman au téléphone l'autre jour, tu devrais l'appeler, elle s'inquiète de pas avoir de nouvelles, elle non plus.
Il soupire.
—   Je vais le faire.
—   Ouais, t'as l'air convaincu.
—   Non mais c'est bon, je vais le faire.
—   Et sinon, niveau boulot, c'est comment, en ce moment ?
—   Et voilà exactement la raison pour laquelle j'appelle pas maman.
—   Non mais c'est bon, je me renseigne juste.
—   J'ai un concert ce soir.
—   Oh, dans quel coin ? J'avais prévu de sortir avec les filles, si c'est pas trop loin on viendra.
—   Du côté de Belleville. Je t'envoie l'adresse par texto si tu veux.
—   Cool, merci !
—   Je te laisse, j'arrive chez Nico, on va répéter.
—   OK. À ce soir alors ! et félicitations pour avoir trouvé un coloc, quand même !
—   C'est ça, fous-toi de ma gueule. Allez, bisous.
—   Bisous !
Il raccroche.
 
—   Alors, comment ça se passe avec ton nouveau coloc ? demande Nico alors qu'ils font une pause pour boire un coup.
—   Bah, plutôt bien. Il fait à manger.
—   Comment il s'appelle, déjà ?
—   Ollie. Enfin, Olivier.
—   Eh mais c'est pas lui, le pote gay de Sarah ? demande Baptiste en se réaccordant.
—   Putain mais vous avez quoi, tous, avec ça ? Marianne m'a demandé la même chose tout à l'heure, soupire Stephen.
—   Et alors, c'est pas lui ? rétorque Nico.
—   Si, mais je sais pas, il est pas juste « le pote gay de Sarah ». Il a d'autres qualités, quoi.
—   Ah parce qu'être gay c'est une qualité ? se moque Baptiste.
—   Bah c'est pas un défaut, en tout cas. Mais je sais pas, il est cuisinier, je trouve ça vachement plus important.
—   Stephen-le-ventre a parlé ! s'exclame Baptiste.
—   Mais c'est pas trop bizarre de vivre avec lui, du coup ? demande Nico.
—   Pourquoi ça serait bizarre ?
—   Je sais pas, tu te sens pas... en danger ? genre il pourrait te sauter dessus, je sais pas.
—   Oh, eh, c'est bon, c'est un mec normal. Donc non, je me sens pas « en danger », dit Stephen en mimant les guillemets avec les doigts. Il est sympa, il cuisine, des fois on discute, voilà, pas plus, normal, quoi.
—   Quoi, tu vas pas nous dire que t'es amoureux ? se moque Baptiste.
—   Et alors, même si je l'étais, ça changerait quoi ?
—   Ouuuh, t'es amoureuuuux ! le taquine Baptiste en riant.
—   Oh, ferme-la. Bon allez, on s'y remet ? On a quand même un concert ce soir.
 
Quand il est sur scène, même si ce n'est qu'une estrade de vingt centimètres au fond d'une cave sous un bar, Stephen perd toutes ses inhibitions. Il est protégé derrière sa guitare, derrière les spots dans ses yeux, derrière son micro. À partir du moment où il joue la première note, il n'a plus peur de rien : il se sent invaincu et invincible, maître de ses gestes et maître du monde. Il laisse la musique l'emporter et plus rien d'autre n'existe. Ni ses amis, ni les attentes de ses parents, ni ses doutes, ni ses problèmes d'argent, ni les critiques de sa petite s½ur qui a mieux réussi que lui, ni les moqueries de Baptiste, ni sa honte de n'arriver à rien. Juste lui, son groupe et leur musique.
Juste la musique.
Et puis, même quand le concert est fini – une demi-heure, ça passe vite –, l'effet perdure encore un peu, juste le temps de boire quelques bières pour le prolonger toute la nuit.
Quand il rentre chez lui, vers deux heures du matin, après la fermeture du bar et avec le dernier métro, il est étonnamment de bonne humeur. Leur public était content, les deux autres groupes de la soirée les ont félicités, ils ont vendu trois disques et même sa s½ur lui a paru de bonne compagnie.
Il transporte avec difficulté son ampli dans l'escalier – Nico n'avait plus de place dans sa voiture pour le ramener chez lui, là où ils répètent –, mais parvient quand même en haut, titubant, essoufflé et le cerveau compressé par le manque d'oxygène. La lumière est allumée dans la cuisine. Ollie est allongé sur le canapé, un livre entre les mains. Stephen pose son ampli au sol, sa guitare contre la table et se laisse tomber sur le canapé à ses pieds.
—   Hey, le salue Ollie. T'étais où ?
—   On avait un concert.
—   Oh, cool. Ça s'est bien passé ?
—   Ouais.
—   T'aurais dû me dire, j'aurais essayé de venir.
—   Tu bossais. La prochaine fois.
Stephen se redresse, puis enlève son manteau et son pull, qu'il jette sur une chaise sans parvenir à viser.
—   Dis, demande-t-il en s'affalant à nouveau, est-ce que je suis en danger ?
—   Hein ? Quoi ? De quoi tu parles ?
—   Par rapport à toi. Je veux dire, à cause que t'aimes les mecs. J'y avais jamais pensé avant, mais y a au moins deux personnes aujourd'hui qui m'ont fait la remarque, et du coup j'ai pas pu m'empêcher d'y réfléchir.
—   Oh. Et alors ? Tu te sens en danger ?
—   Non. C'est pour ça que je te demande. Parce que Marianne – c'est ma s½ur – m'a dit que je savais pas juger les gens, et elle a pas tort.
—   Tu crois que si t'étais en danger, je te le dirais ? sourit Ollie.
—   C'est sûr que vu comme ça, non. Mais je sais pas, je me suis dit que j'allais te demander.
—   Non, tu l'es pas, rit Ollie. T'inquiète pas, je m'attaque qu'aux mecs consentants.
—   Oh. Cool.
Il reste plusieurs secondes immobile, les yeux sur le plafond, comme s'il assimilait ce qu'il vient d'entendre. Ollie l'observe par-dessus son livre posé à l'envers sur son ventre pour en marquer la page. Stephen finit par tourner à nouveau la tête vers lui.
—   Ça fait quoi de coucher avec un mec ?
—   Ça fait quoi de coucher avec une fille ? rétorque Ollie avec un sourire.
—   Quoi, t'as jamais couché avec une fille ?
—   Et alors, t'as jamais couché avec un mec.
—   Pas faux. Mais... non j'ai rien dit.
—   Quoi ?
—   Non mais j'allais dire « mais comment tu peux savoir que tu préfères les mecs si t'as jamais essayé avec une fille », mais c'est stupide parce que tu pourrais me retourner la question.
—   J'ai jamais eu envie d'essayer avec une fille, si tu veux savoir.
—   Jamais jamais ? même par curiosité, juste pour savoir ?
—   Pas vraiment, non. Je veux dire, t'as sûrement jamais eu envie d'essayer avec un mec non plus.
—   Ben... en fait...
—   Quoi, t'as envie ?
—   Je sais pas, par curiosité.
—   Sérieux ?
—   Je dis pas que ça me plairait, tu vois, mais justement si ça se trouve ça me plairait et j'ai pas envie de jamais savoir, tu vois.
—   Je vois.
Le regard d'Ollie est scrutateur, incertain de l'endroit où cette conversation peut les mener. Celui de Stephen se balade encore un peu sur le plafond avant de revenir sur lui.
—   Tu voudrais pas coucher avec moi ?
—   Mec, non ! s'exclame Ollie en se redressant, faisant tomber son livre entre l'assise et le dossier.
—   Quoi, je suis pas assez bien ?
—   Non mais là n'est pas la question ! D'une, je sais pas pour qui tu me prends mais je fais pas ça avec n'importe qui, et de deux, c'est pas le genre de truc à demander quand t'es bourré.
—   Je suis pas bourré ! Je peux retrouver n'importe quel disque dans ma chambre !
—   Vas-y, prends ta guitare et joue-moi le morceau le plus compliqué que tu connaisses.
—   Nan, m'en demande pas trop, quand même.
—   Bah voilà. T'es bourré. Donc demande pas ce genre de chose. Tu pourrais tomber sur des types qu'ont moins de scrupules que moi.
—   Donc c'est non ? Tu veux pas ?
—   C'est pas une question de... Juste, non ! Tu pourrais le regretter.
Stephen se redresse et entoure les jambes d'Ollie de ses bras, posant son menton sur ses genoux.
—   Et toi, tu le regretterais ?
Ollie le fixe quelques secondes et soupire.
—   Me tente pas, mec.
Puis il le repousse et se lève.
—   Je vais me coucher. Et tu devrais faire pareil. Tout seul. Dans ta chambre.
Il quitte la pièce. Stephen soupire et se laisse de nouveau tomber sur le canapé.
 
En rentrant dans le salon le lendemain matin pour prendre son petit déjeuner, Ollie retrouve Stephen endormi sur le canapé, quasiment dans la position où il l'a laissé la veille.
—   Sérieusement ? soupire-t-il avec un sourire.
Il va mettre en marche la cafetière, puis ouvre les placards pour sortir de quoi se faire des tartines. Dans son dos, il entend Stephen remuer et gémir. Il se retourne alors que Stephen se redresse et s'assoit sur le bord du canapé, la tête entre les mains, les yeux fermés.
—   T'as même pas eu la force de te traîner jusqu'à ton lit ? demande-t-il, moqueur.
—   Apparemment pas, non. Putain j'ai mal au dos, en plus de la tête, à cause de ça.
—   Café ?
—   Ouais. Et si y a un yaourt qui traîne, je veux bien que tu me l'envoies.
Il entend Ollie ouvrir le frigo, puis un tiroir, et relève la tête quand le grincement du parquet s'arrête devant lui.
—   Tiens, dit Ollie en lui tendant un yaourt et une cuillère. C'est mieux que de te l'envoyer, vu ton état.
—   Merci. Putain, je suis tellement désolé pour hier soir, lance-t-il en ouvrant son yaourt.
—   Tu te souviens de tout ?
—   Si tu veux savoir si je me souviens de ce que je t'ai demandé, ouais. Oh putain, la honte. T'aurais tellement dû m'envoyer chier.
—   Peut-être que c'est moi qui devrais me sentir en danger dans cet appart, répond Ollie, adossé contre le plan de travail, par dessus le bruit du café qui passe. Après tout, ça fait deux fois que t'essayes d'abuser de moi.
—   Ouais, peut-être que tu devrais.
Il enfourne la cuillère dans sa bouche.
—   Attends, deux fois ? C'était quoi l'autre ?
—   Tu te souviens pas ?
—   Là, comme ça, dans cet état, non.
—   Quand... je me suis endormi dans ton lit. En me réveillant, t'étais collé à moi.
Stephen enfonce encore plus profondément sa tête dans sa main, la cuillère entre ses doigts.
—   Oh putain. Putain la honte. J'ai toujours été comme ça. Quand j'étais gamin et qu'on allait chez mes grands-parents, on devait partager un lit avec Marianne et elle se plaignait toujours que je lui tenais trop chaud à me coller contre elle. Et, en soirées, mes potes m'appellent le serial-câlin. Putain mais la honte. Je suis tellement désolé.
Ollie rit.
—   C'est... mignon ?
—   Non mais c'est trop la honte. Putain mais le boulet quoi.
Il relève lentement la tête. Ollie est appuyé contre le plan de travail, face à lui.
—   Tu m'en veux pas trop ? le supplie Stephen.
Ollie sourit.
—   T'inquiète. T'étais bourré.
 
—   Putain Ollie je te jure que si tout ce que tu mets sur ta carte c'est aussi bon que ce que tu viens de faire, je mangerai tous les jours chez toi.
—   C'est vrai, ça te plaît tant que ça ?
—   Tu déconnes ? C'était trop bon ! Le paradis dans ma bouche !
Ollie rit en repoussant son assiette vide.
—   Bon, et le dessert, c'est quoi ? Fais-moi rêver.
—   Hmmm... y en a pas ? murmure-t-il en baissant les yeux.
—   Quoi ?!
—   C'est pas franchement mon fort, le sucré.
Les doigts jouant sur le bord de la table, il lui lance un regard désolé.
—   Non mais c'est pas possible de finir un repas pareil sans dessert, s'exclame Stephen en se levant. Attends, je m'en occupe.
—   Toi, vraiment ?
—   Il y a un truc que je sais faire – enfin, deux, si on compte les pâtes au beurre –, tu vas voir, fais-moi confiance.
Il commence à contourner la table pour accéder aux placards, qu'il ouvre. Ollie le suit du regard.
—   Et qu'est-ce que c'est ?
—   Tu vas voir. Chhh, retourne-toi, c'est une surprise.
Ollie s'exécute et écoute le cliquètement des ustensiles contre les bols, le tintement du micro-ondes et le bruit des portes de placard.
Cinq minutes après, le micro-ondes sonne et, un grand sourire sur le visage, Stephen dépose une tasse et une cuillère devant lui.
—   C'est quoi ? demande Ollie.
—   Un mug-cake ! Le seul truc à peu près inratable que je connaisse. Cinq minutes de préparation, cuisson comprise. Parfait pour moi.
—   Et tu fais ça au micro-ondes ?
—   Ouais. Allez, goûte !
Dubitatif, Ollie plante sa cuillère dans sa tasse et la porte à ses lèvres.
—   Eh mais... c'est bon, en fait !
Stephen s'assoit en face de lui, sa propre tasse à la main, fier comme un pou.
—   Tu vois, je t'avais dit. Bon, c'est pas de la grande cuisine, et j'espère que c'est pas ça que tu serviras dans ton resto, mais à mon niveau c'est déjà pas mal.
—   C'est vrai. T'as découvert ça tout seul ?
—   Non, c'est une ex qui m'a appris.
—   D'accord.
—   Ça s'est fini entre nous parce que je cuisinais mieux qu'elle.
—   À ce point ?
—   Ouais. Mais bon, j'ai gardé sa recette de mug-cake, parce que quand même.
Ollie sourit.
—   Et au fait, t'en es où, pour ton resto ? demande Stephen après quelques bouchées. Parce que avoir une carte, c'est bien, mais ça suffit pas.
—   J'ai vu un fonds de commerce qui m'intéresse vraiment, le proprio est OK sur le principe, j'ai rendez-vous à la banque dans deux jours pour voir si j'ai le prêt.
—   Oh. Cool ! Tu me diras comment ça s'est passé ?
—   Bien sûr.
 
Allongé sur son lit, les yeux fermés, Stephen entend tout juste la porte claquer par dessus la musique. Il se lève, baisse le son et sort dans le couloir.
—   Hey, dit-il en s'appuyant au chambranle de sa porte. Je pensais pas que tu rentrerais si tard, je croyais que tu bossais pas.
—   Je suis allé boire un verre avec des potes, répond Ollie en s'avançant vers lui avec un demi-sourire. J'ai eu le prêt.
—   Félicitations ! Bien joué, lance Stephen alors qu'il passe devant lui, lui mettant la main sur l'épaule.
Ollie le dépasse d'une cinquantaine de centimètres, puis s'arrête et revient sur ses pas. Sans qu'il aie le temps de s'en rendre compte, Stephen se retrouve le dos contre le mur, la bouche d'Ollie sur la sienne, et ses mains sur ses hanches. Il reste figé quelques secondes, le temps de réaliser, puis se décrispe et, entrouvrant les lèvres, passe ses bras dans son dos. Il a le goût de la bière, l'odeur de la sueur, son manteau crisse sous ses doigts et son chapeau tombe sur son front. Il sent ses doigts s'enfoncer sur sa taille et ses dents dans ses lèvres et son sac cogner contre sa cuisse. C'est peut-être le pire baiser qu'il ait jamais échangé mais, quand il se termine, il le regrette dans la seconde.
—   Je peux coucher avec toi si tu veux, lui murmure Ollie à l'oreille.
Il soupire.
—   Non. Tu pourrais le regretter.
Il le repousse et regagne la porte de sa chambre.
—   Bonne nuit, lui lance-t-il sans un regard.
Il ferme derrière lui.
 
Stephen est sur le canapé avec sa guitare quand Ollie rentre le lendemain après-midi. Il s'arrête un instant sur le pas de la porte, puis prend une grande inspiration et rentre. Stephen ne lève pas la tête à son arrivée, ni ne semble remarquer qu'il est là. Ollie pose son sac au sol et s'assoit sur le canapé à côté de lui. Après une longue minute à l'écouter jouer, il relève la tête vers lui, et l'observe encore un peu. Soupirant, il finit par dire :
—   Je suis désolé.
Plusieurs secondes de silence.
—   C'est pas grave. T'étais bourré, répond Stephen.
Ollie se laisse aller contre le fond du canapé, enlevant son chapeau et le faisant tourner entre ses doigts pour occuper ses mains.
Après ce qui semble une éternité. Stephen s'arrête de jouer et se tourne vers lui.
—   Bon, écoute, on peut pas continuer comme ça.
Ollie le regarde, sans rien dire.
—   On habite quand même ensemble, on va pas s'ignorer juste parce que tu m'as embrassé, ce serait totalement stupide. C'est arrivé, ok, maintenant est-ce qu'on peut passer à autre chose ?
—   ... Donc tu m'en veux pas ? se risque Ollie.
—   J'imagine qu'on est quitte.
—   OK.
—   Et puis, soyons honnêtes, si j'avais vraiment voulu t'envoyer chier, j'aurais pu.
—   OK.
Stephen continue à le fixer, et Ollie se risque à esquisser un demi-sourire.
 
Les jours suivants sont... étranges. Stephen ne sait pas trop si Ollie l'évite ou s'il a juste énormément de choses à faire. Il ne sait pas trop non plus s'il préfère que ce soit l'un ou l'autre. Il ne sait pas s'il a envie de l'éviter ou pas. Il ne sait pas s'il doit reparler de ce qui s'est passé ce soir-là ou s'il doit faire comme s'il ne s'était rien passé. Il ne sait pas parce que, à ce moment-là, juste après avoir refermé la porte de sa chambre, il a dû se battre de toutes ses forces contre l'envie de ressortir et de suivre Ollie dans sa chambre.
Mais Ollie était bourré. Ollie ne savait sûrement pas trop ce qu'il faisait. Ollie regrette sûrement. Ollie l'aurait tellement plus sûrement regretté s'il avait accepté de le suivre. Donc ouais, Stephen fait comme si ça n'avait pas d'importance.
Et puis, lui, il est censé se situer comment, dans tout ça ? C'est pas comme s'il était gay. Enfin, ça lui est déjà arrivé de trouver des mecs carrément attirants – des musiciens en particulier ; un instrument accroit exponentiellement le charme de la personne qui le porte, c'est scientifiquement prouvé –, de se demander ce que ça ferait de coucher avec un homme – il n'a pas menti là-dessus –, mais de là à dire qu'il est gay... Il ne l'est pas. Il aime les femmes. Et il ne s'est jamais, jamais dit qu'il avait terriblement envie d'embrasser un mec en particulier, au point que ça lui retourne les neurones et les entrailles, au point que ce soit la dernière chose à laquelle il pense le soir en s'endormant et la première le matin en se réveillant, au point qu'il se passe en boucle dans sa tête depuis des jours un seul et unique baiser même pas si terrible que ça mais c'était avec lui, au point que quand il est là il se sent terriblement désemparé mais  que quand il n'est pas là c'est encore pire.
Alors, pourquoi ça lui fait ça, maintenant ? Comme s'il n'avait pas déjà suffisamment de problèmes comme ça.
Après de longues hésitations, il décide de laisser un mot sur la table avant de partir. Juste parce que c'est ce qui se fait, entre colocs. Parce qu'il en avait parlé, une fois, il y a ce qui lui semble être une éternité.
Et puis il sort, sa guitare sur le dos.
 
Il a à peine remercié le public et enlevé sa guitare de son épaule que Marianne se jette sur lui et le prend dans ses bras.
—   Waouh, c'était génial ! Vous avez fait des nouvelles chansons, non ?
Il sourit, pas encore redescendu de son afflux d'adrénaline, et la serre contre lui, la couvrant de sueur par la même occasion.
—   Ouais, l'avant-dernière et celle d'encore avant. C'est vrai, ça t'a plu ?
—   Tu sais bien que je suis ta première fan ! Tiens, je suis allée t'acheter une bière, je me suis dit que t'en aurais besoin.
—   Cool, merci ! T'es parfaite ! dit-il en portant le verre à sa bouche.
La mousse laisse une fine pellicule sur sa lèvre supérieure, qu'il lèche aussitôt, avant de se tourner pour congratuler Baptiste et Nico dans une accolade virile.
—   Vas-y, où t'as eu une bière, toi ? s'indigne Baptiste.
—   C'est parce que j'ai une s½ur, le nargue-t-il, t'avais qu'à en prévoir une toi aussi !
Étant le dernier groupe à passer ce soir-là, ils prennent leur temps pour ranger leurs instruments, s'interrompant régulièrement pour saluer des amis, de la famille, des fans ou des curieux intéressés par leur album. Le patron du bar les a appelés dans l'après-midi pour leur demander s'ils pouvaient remplacer au pied levé le troisième groupe de la soirée, dont le chanteur venait de tomber malade, et ils n'ont pas hésité une seule seconde avant d'accepter. Et, vu les retours, Stephen se dit qu'ils ont vraiment bien fait.
Il est en train d'enrouler un câble autour de sa main quand une voix lui fait brusquement lever la tête.
—   Hey, c'était vraiment sympa, t'as bien fait de me dire que vous jouiez.
Il bute une ou deux secondes sur ses paroles avant qu'elles ne puissent sortir.
—   Oh. T'as trouvé mon mot.
—   Ouais. Merci de l'avoir laissé. Je crois que j'ai loupé une ou deux chanson, mais j'ai réussi à voir un peu plus d'une demi-heure. J'ai vraiment bien aimé.
Stephen est heureux d'avoir l'énergie du concert et deux pintes de bière dans ses veines pour pouvoir lui faire face avec autant de self-control.
—   Cool. Merci.
—   Eh, Stephen, tu te grouilles, il faut mettre tout ça dans un coin, là, ils veulent remettre des tables par ici, lui lance Baptiste.
—   Ouais, pardon. Oh, et, euh, je vous présente Ollie, mon coloc. Ollie, Baptiste et Nico.
—   Ah, c'est toi qui dois le supporter H24 ! l'accueille Nico. Eh ben mon pauvre, t'as bien du courage, déjà que nous on fait que jouer de la musique ensemble et c'est difficilement tenable...
—   Et donc c'est toi qui sais si bien cuisiner ? demande Baptiste en lui serrant la main. Il arrête pas de nous bassiner avec ça, il paraît que t'es un chef.
—   C'est mon métier, ouais, répond Ollie.
—   En tout cas je kiffe ton chapeau, mec, lance Nico. Très country, j'approuve.
—   En parlant de country, rassure-moi, reprend Baptiste, il t'a pas encore forcé à rester assis à écouter l'intégrale de Loretta Lynn, j'espère ? Ce truc est une torture.
—   Eh, tu dis pas de mal de Loretta, c'est une grande dame ! se défend Stephen. Et Van Lear Rose est une merveille.
—   Ouais, je compatis vraiment avec toi, dit Baptiste à Ollie sur le ton de la confidence, lui posant une main sur l'épaule alors qu'il passe à côté de lui.
—   Stephen, tu me tiens ça ouvert, le temps que je range tous mes trucs ? l'appelle Nico depuis le fond de la scène.
Il lance un regard à Ollie, qui lui rend un sourire à moitié crispé.
—   Je vais chercher à boire, on se retrouve plus tard.
Stephen n'a pas le temps de répondre qu'il est déjà parti.
 
Quand il le revoit, une demi-heure plus tard, il a une bière de plus dans le sang, un grand sourire sur le visage et une fille sous le bras.
—   Eh, Ollie ! Je te présente Marianne, ma petite s½ur. Elle est parfaite !
Le regard de Stephen brille de fierté alors qu'il le pose sur elle. Elle se penche vers Ollie pour se faire entendre par-dessus la musique et les conversations alentours.
—   Enfin ! ça fait plus d'un mois qu'il te cache, je commençais à me dire qu'il t'avait inventé !
—   Elle râle mais c'est elle qui a refusé de monter sept étages, explique Stephen.
—   Ça va, il est pas trop relou ? demande-t-elle. Il te soule pas trop avec sa musique ? Il te force pas à lui faire à manger ?
—   Nan, c'est bon, il est plutôt supportable.
—   Tu peux critiquer, hein, tu sais, te sens pas obligé d'être sympa.
—   Pas devant lui, sourit Ollie en offrant néanmoins un regard désolé à Stephen.
Une fille attrape le bras de Marianne et, après avoir échangé quelques mots avec elle, elle se tourne vers Stephen pour embrasser sa joue mal rasée.
—   J'y vais, on se voit plus tard. Prends soin de mon frère ! lance-t-elle à Ollie avant de s'éloigner.
Stephen la regarde partir avec un sourire puis, s'accoudant au bar, se tourne vers Ollie. Son sourire faiblit un peu.
—   Je suis si chiant que ça ?
—   Nan. Nan, tu l'es pas, t'inquiète. En tout cas, tout le monde semble t'aimer, ici.
Stephen détaille la salle du regard.
—   C'est le concert, ça les a mis de bonne humeur.
Les yeux d'Ollie ne le quittent pas, même si lui-même ne s'en rend pas vraiment compte.
—   Nan, c'est pas que le concert, c'est toi, aussi. Les gens t'aiment, c'est tout. Pendant que vous jouiez, la moitié des filles de la salle avaient les yeux fixés sur toi.
—   Tu veux que je te dise un secret ? murmure Stephen en se penchant vers lui. C'est la guitare. Ça attire les filles, c'est tout. Ça rend n'importe quel type au moins mille fois plus beau. Et puis ça montre qu'on sait se servir de ses mains.
—   S'il suffisait d'une guitare pour ça, tout le monde en aurait une. C'était toi qu'elles fixaient, pas elle.
Stephen le dévisage ostensiblement, mordant sa lèvre inférieure dans un sourire.
—   T'es jaloux ou quoi ?
Arrête de parler de ces filles et de tes mains et de sourire comme ça et de me regarder comme ça si seulement ta bouche et tes mains pouvaient être sur moi et pas seulement là à me narguer, pense Ollie.
—   Pourquoi je serais jaloux ? dit-il.
Je voudrais que tu sois jaloux et te plaquer contre un mur et t'embrasser juste pour voir si la sensation est la même juste parce que ton goût sur mes lèvres commence à s'estomper et que je veux pas oublier et que j'en rêve la nuit mais là y a trop de monde impossible de se trouver un mur dégagé et puis de tout façon tu m'enverrais sûrement chier, pense Stephen.
—   T'inquiète pas, c'est avec toi que je vais rentrer, de toute façon, dit-il.
Il a à peine le temps de lui adresser son sourire narquois quelques secondes de plus qu'un de ses amis arrive et le prend dans ses bras pour le féliciter, puis commence à l'entraîner vers un groupe de gens.
—   Tu m'attends pour partir ? lance-t-il à Ollie avant de se faire embarquer, posant un instant le bout de ses doigts sur le dos de sa main.
Ollie acquiesce, tentant de retenir le plus longtemps possible la sensation de ses doigts sur sa peau, même si ce contact ne voulait probablement rien dire.
Il regarde Stephen évoluer avec aisance entre les groupes, rire avec tous, trinquer avec beaucoup, poser son bras sur leurs épaules et parfois des baisers sur leurs joues. Apparemment, il n'y a pas qu'endormi qu'il est un serial-câlin. Ollie a l'impression de découvrir un autre Stephen que celui qu'il connaît, un Stephen avec qui tout le monde est ami, un Stephen que tout le monde admire, un Stephen que tout le monde réclame – un Stephen qu'il doit partager. Il n'est pas sûr de savoir si ça lui convient. Il n'est pas sûr de savoir s'il a son mot à dire. Mais s'il s'écoutait, il irait l'arracher à tous ces gens et il l'emmènerait à un endroit où personne d'autre que lui ne pourrait le voir et le toucher.
Mais, comme il l'a lui-même dit, c'est avec lui qu'il va rentrer. Et puis, lui, il connaît l'autre Stephen, celui qui sait tout juste se servir d'un couteau, celui qui écoute le même disque en boucle pendant toute une journée, celui qui s'enthousiasme pour n'importe quel morceau de nourriture. Celui-là, il lui appartient, un peu.
Ollie sourit.
 
Ils ont abandonné Nico et Baptiste en plein milieu du chargement de la voiture pour avoir le dernier métro, et courir dans l'air froid de la nuit de mars les dégrise un peu. Ils ne parlent presque pas du trajet, et la montée de l'escalier finit de leur couper le souffle. Ollie, arrivé en premier devant la porte, l'ouvre, puis appuie sur l'interrupteur.
Pas de lumière.
—   Merde, je crois que l'ampoule a grillé, commente-t-il.
Il avance à tâtons dans le couloir jusqu'à la porte de la cuisine, et appuie sur le bouton.
Rien non plus.
—   Les plombs ont sûrement sauté.
—   Oh putain, lâche Stephen.
—   Non mais c'est pas grave, il suffit d'appuyer sur le disjoncteur, hein.
—   Non mais non, c'est pas les plombs, c'est ma faute.
—   Comment ça ?
—   J'ai, hum, oublié, de renouveler le contrat EDF qui était au nom de Marcus.
Ollie se retourne vers lui, tout juste éclairé par la lumière du couloir sur laquelle Stephen se découpe en contre jour.
—   Sérieux ?!
—   Je suis tellement désolé, putain... j'suis juste un boulet... pardon... je peux même pas faire un seul truc de bien...
Ollie ravale l'énervement qui montait dans sa gorge quand il entend le ton tremblant de Stephen. Il n'a pas le c½ur de lui en vouloir plus qu'il ne le fait déjà lui-même. Il prend une grande inspiration. Le minuteur du couloir s'éteint.
—   C'est pas grave. Allez, rentre, je dois avoir des bougies dans ma chambre, je vais les chercher, on s'occupera d'EDF demain.
Plongeant dans sa poche, il sort son portable et s'en sert pour s'éclairer le long du couloir. Il entend Stephen rentrer derrière lui, et la porte claquer. Quand il revient dans la cuisine, deux bougies entre les doigts, Stephen a posé sa guitare contre la table et est penchée dans le frigo, éclairé par son propre téléphone.
—   Y a des trucs qui vont se perdre... putain, je suis désolé, vraiment... je pensais pas... j'ai juste merdé. Comme d'habitude.
Il appuie son front sur le rebord du plan de travail et soupire. Après s'être arrêté sur le seuil de la pièce, Ollie s'avance vers lui et lui pose la main sur l'épaule, brièvement.
—   Allez, c'est pas grave. On arrangera ça demain.
Il se met à fouiller dans un tiroir où il est certain d'avoir déjà vu des allumettes.
—   Je suis désolé, répète Stephen en se relevant. D'être aussi inutile.
La main toujours dans le tiroir, Ollie tourne la tête vers lui.
—   C'est bon, je te dis. Ça aurait pu arriver à tout le monde d'oublier. Allez, va t'asseoir.
Il l'entend se laisser tomber sur le canapé alors qu'il sort enfin les allumettes. Il n'en reste que cinq. Ça suffira.
—   Tu sais... j'ai pas vraiment oublié, avoue Stephen, honteux. Je savais qu'il fallait le faire. J'étais juste... je sais pas, c'était trop dur de le faire. J'ai eu le temps, mais... j'arrivais pas.
—   Qu'est-ce qu'il y a de dur dans un coup de téléphone ? demande Ollie en ouvrant un autre placard.
—   Je sais pas ! Tu crois pas que je suis suffisamment énervé après moi-même comme ça ? Je sais que c'est stupide.
Quand Ollie vient s'asseoir à côté de lui, il a les coudes sur ses genoux et la tête dans ses mains.
—   Pourquoi tu m'as pas dit ? je l'aurais fait.
Il dépose son chargement sur la table basse, puis craque une allumette et approche la flamme de la bougie.
—   Je sais pas. Je pensais que... je pourrais le faire.
—   C'est pas grave, répète Ollie.
Il fait couler un peu de cire sur la table, puis colle la bougie dessus, avant de répéter l'opération avec la seconde.
—   Allez. Tiens.
Stephen se redresse. Ollie lui tend un sourire, une fourchette et un paquet de chamallow.
—   Quand j'étais petit, y avait souvent des orages dans le coin où je vivais, et donc pas mal de coupures de courant. Pour éviter qu'on aie peur, avec mon frère, mes parents nous filaient des chamallows à faire griller dans la cheminée, ça nous occupait. Bon, là on a pas de feu, donc faudra faire avec les bougies, mais...
—   Merci, se contente de répondre Stephen en attrapant la fourchette et en plantant un chamallow dessus.
Il se penche en avant et le fait passer au-dessus de la flamme de la bougie.
—   Tu peux me détester, tu sais. Moi-même, je me déteste.
—   Je sais, répond Ollie en plantant un chamallow sur sa propre fourchette. C'est pour ça que je te déteste pas. Enfin, pas trop.
—   Je suis tellement nul...
—   Arrête. Arrête de dire ça. Arrête d'y penser ce soir, on arrangera ça demain. Concentre-toi sur des trucs cool. Genre, ton concert.
—   Ouais, la musique. C'est bien le seul truc que je sache faire à peu près correctement.
—   N'importe quoi.
—   Ah ouais, et qu'est-ce que je sais faire d'autre, alors ?
—   ... Les mug-cake ?
—   Ok, c'est l'un des deux seuls trucs que je sais faire, alors, sourit Stephen.
Il porte son chamallow grillé à ses lèvres, souffle dessus, et l'enfourne dans sa bouche.
—   Hmmmm... ça faisait une éternité que j'en avais pas mangé. C'est le péché de gourmandise à l'état pur.
—   Je savais que ça te plairait, sourit Ollie.
—   Ouais. J'imagine que c'est ce dont j'avais besoin. Merci. Pour ça et pour pas t'énerver après moi et pour... tout le reste.
—   Le reste ?
—   Ouais. De manière générale. Me supporter, tout ça.
—   Qu'est-ce qui te fait penser que c'est si dur de te supporter ? demande Ollie en changeant de position pour mettre un pied sous ses fesses, se tournant vers Stephen tout en enfonçant un autre chamallow sur sa fourchette.
—   Je sais pas. J'sais pas faire à manger, j'écoute la musique trop fort, je fais pas souvent le ménage et l'électricité est coupée par ma faute. Je te force à écouter des disques alors que t'as sûrement quinze mille trucs plus importants à faire et j'te pose des questions chelous et je sais pas être un adulte et...
—   Arrête. T'es pas insupportable.
—   ... et je parle trop. Pardon. Je crois que je vais aller me coucher.
Il commence à se lever, mais Ollie le rattrape par le poignet et le force à se rasseoir.
—   Arrête. T'es pas insupportable. Honnêtement, t'es... t'es l'une des personnes les plus ouvertes que je connaisse. Tu parles à tout le monde et de tout le monde comme s'ils étaient la personne la plus merveilleuse de la terre et, tu sais, quand tu disais que tu savais pas juger les gens ? Je pense pas que ce soit un défaut. Parce que justement, tu juges pas les gens. Tu sais combien de mecs ont refusé de me prendre comme coloc parce que j'étais gay ? Et puis, tout à l'heure, au bar, ce type chelou tatoué de partout ? Personne osait trop lui parler, même moi j'étais pas trop confiant, et toi tu l'as fait comme si de rien n'était et en cinq minutes c'était devenu ton meilleur pote. Et puis, tous ces gens qui sont venus te féliciter pour le concert ! Tu... t'es pas insupportable. Tu sais pas cuisiner et t'aimes pas passer des coups de fils administratifs, et alors ? Tu... y a pas que ça dans la vie !
—   Ouais, va dire ça à ma s½ur.
—   OK, je retire ce que j'ai dit, tu es insupportable. D'une, ta s½ur t'adore, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Et de deux, t'es pas ta s½ur. Ce qui est important pour elle n'a pas à l'être pour toi. Arrête de vouloir être ce que les autres veulent que tu sois ! Donc tais-toi, arrête de t'apitoyer sur ton sort, et mange.
Stephen reste figé quelques secondes, puis place son chamallow au-dessus de la flamme.
—   Je suis pas d'accord avec toi mais tu me fais un peu peur alors je vais faire ce que tu dis.
Ollie rit.
—   Ça me semble un bon début.
Peu à peu, la conversation reprend, sur des thèmes plus légers. Ollie se met à lui poser des questions sur son groupe et, comme toujours quand il parle de musique, Stephen se laisse emporter par le sujet et oublie tout le reste. Il parle de leur rencontre, de leur mode d'écriture, des groupes qui les ont inspirés et de leurs compos, le tout sans cesser d'enfourner des chamallows.
—   D'ailleurs, dit-il la bouche pleine en manquant de se brûler la langue avec le caramel, la chanson « Seven Sins », c'est l'une des seules dont Baptiste soit pas l'auteur. Fin, pas entièrement.
—   C'est qui qui l'a écrite ?
—   Bah à la base, ça vient de Nico et moi. C'était parce que, tu sais, tu connais la chanson de Son House, « John the Revelator » ? à un moment dedans il dit « wrote a book on the seven seals », et pendant des années j'ai cru qu'il disait « seven sins », du coup le jour où j'ai réalisé ça, on était tous les deux et j'ai dit un truc du genre « je trouverais ça tellement plus simple d'écrire un livre sur les sept péchés » et voilà, on a commencé à écrire la chanson comme ça « I could write a book on the seven sins », et après Baptiste est repassé dessus.
—   Sérieux, toi, tu pourrais écrire un livre sur les sept péchés ? T'es le mec le plus gentil du monde.
—   Bah j'en ai pas mal, en fait, tu sais. La paresse, déjà, bon, je maîtrise, on va pas revenir là-dessus. La gourmandise aussi, surtout, tellement. Je veux dire, quand je vois un truc de bon, ou de beau, je peux pas tellement résister, que ce soit de la bouffe, un disque, ou une personne.
Son regard s'attarde sur Ollie un peu plus longtemps que nécessaire sur la dernière partie de la phrase, mais il se reprend rapidement.
—   Je veux dire, ça m'arrive d'acheter un disque juste parce que j'aime la pochette, alors que j'ai aucune idée de ce qu'il y a dedans, et des fois je déteste, mais il était tellement beau, tu vois ?
—   Du coup, tu peux rajouter l'envie, non ?
—   Ouais, je crois, un peu. Et la luxure, évidemment. Enfin, un peu comme tout le monde, sûrement, sourit-il avec un coup d'½il à Ollie. Après... avarice, orgueil, jalousie, pas trop, mais bon, ça m'arrive, hein... Et toi ? C'est quoi les tiens ?
—   Hmmm... Gourmandise, déjà, comme toi, sinon je ferais pas ce métier. Paresse, pas tellement. Envie et jalousie, par contre, ouais, à fond. J'aime pas partager. J'ai envie que les choses que j'aime soient uniquement à moi. Pareil pour les gens. Ça va avec l'avarice, du coup, un peu, aussi, peut-être ? Ensuite, euh... orgueil ? Non, pas trop ? Enfin je crois pas ? Et euh, j'ai fait le tour je crois, il en reste pas ?
Il compte sur ses doigts alors que Stephen plonge la main dans le paquet de chamallows.
—   Ah, c'est le dernier, tu le veux ?
—   Non, vas-y. Ah, si, il en manque un... la luxure. Ça, ouais. Définitivement, ouais.
Stephen rit, doucement, en contrôlant la cuisson du chamallow, mais ne tourne pas la tête vers Ollie de peur qu'il ne lise ses pensées sur son visage.
—   Du coup ça m'en fait quand même cinq sur sept, conclut Ollie. J'imagine que je suis pas une bonne personne.
—   Si, tu l'es, murmure Stephen.
Ollie regarde plusieurs secondes son profil à la lueur des bougies, ses cheveux bruns aux reflets blonds accentués par la lueur des flammes, ses longs doigts enroulés autour de la fourchette, sa barbe mal rasée, avant de penser à répondre.
—   Venant du mec le plus gentil du monde, je prends ça comme un compliment.
Stephen rit encore, puis souffle sur le chamallow pour le refroidir. Il le fixe un instant, puis en croque la moitié et tend la fourchette à Ollie.
—   Tiens, finis.
—   ... T'es sûr ?
—   Je suis le mec le plus gentil du monde, c'est toi qui l'as dit.
Précautionneusement, il tend la main vers le manche de la fourchette et, quand il s'en saisit, ses doigts frôlent ceux de Stephen, produisant une décharge qu'ils semblent tous les deux ressentir. Sans qu'aucun ne dise rien, Ollie met le chamallow dans sa bouche et déglutit, difficilement, détournant les yeux alors que ceux de Stephen le scrutent. Quand il se penche pour reposer le couvert sur la table, Stephen brise le silence de la nuit.
—   Écoute, je sais qu'il est quatre heures du mat' et que j'ai bu et que toi aussi, qu'il y a pas d'électricité à cause de moi et qu'on est d'accord que c'est pas les meilleures conditions, mais là ça fait des jours que j'ai juste envie de t'embrasser et si y avait pas tout ça j'oserais jamais, alors si tu veux m'arrêter c'est maintenant.
Ollie se redresse et le regarde sans rien dire. Le visage de Stephen est déterminé mais son regard est encore hésitant quand il se penche vers lui. Ollie franchit les derniers centimètres qui les séparent.
Au début, il n'y a que leurs lèvres, incertaines, qui s'apprivoisent. Et puis la main de Stephen qui se pose sur sa cuisse, et celles d'Ollie qui entourent son dos pour le rapprocher de lui. Stephen vient s'asseoir sur son autre jambe tandis que ses doigts remontent le long de sa hanche et cherchent à s'infiltrer sous son pull, sous son tee-shirt, au plus près de lui. Leurs langues s'en mêlent et leurs mains s'égarent, partout, partout où elles peuvent toucher, partout dont elles ont rêvé, partout, partout, partout. Ils ne remarquent même pas qu'ils sont à bout de souffle, ils ne remarquent même pas qu'il n'y a plus d'espace à combler entre leurs corps, tant ils essayent encore et encore de se fondre l'un dans l'autre, se s'imprégner et de s'imprimer, de tout prendre et de tout donner. Il n'entendent plus rien à part le sang qui pulse contre leurs tempes, sous les doigts de l'autre, pas même les soupirs qui leurs sont arrachés. C'est de la plongée en apnée et une overdose d'oxygène, c'est trop de sensations à la fois et en même temps pas assez, jamais assez, jamais assez. Ça ne ressemble en rien à leur première fois, il y a le goût du sucre et l'odeur des bougies, et pourtant la bière et la sueur sont toujours là, en trame de fond, pour raviver leurs souvenirs. Il y a plus de délicatesse mais aussi plus d'urgence, plus de précision mais plus de maladresse.
Stephen finit par tomber sur Ollie, qui l'entoure de ses jambes alors que Stephen fait remonter son tee-shirt sur son ventre.
—   Attends, l'arrête Ollie, essoufflé.
—   Quoi ? répond Stephen en s'arrêtant.
—   Pas ici. Viens, on va dans ma chambre.
Ils se relèvent dans la précipitation, se démêlant l'un de l'autre sans arriver vraiment à se détacher. Ils sont arrivés à la porte quand Ollie s'arrête et fait demi-tour.
—   Qu'est-ce qu'il y a ? l'appelle Stephen.
—   Les bougies, on va pas les laisser allumées.
Il les souffle et revient vers lui à tâtons. Ils avancent du plus vite qu'ils peuvent, trébuchant l'un sur l'autre, l'un contre l'autre, jusqu'à la chambre d'Ollie. La porte se referme sur eux.
 
Quand son réveil sonne, Ollie sort difficilement son bras de sous la couette pour l'attraper. Il le rentre au plus vite tant il fait froid et sent Stephen grommeler et se blottir plus encore contre lui. Il se réhabitue à son odeur, son poids et sa chaleur encore quelques secondes avant de dire, encore ensommeillé :
—   Je dois aller bosser.
Stephen le retient dans ses bras et enfouit son nez sous son menton.
—   T'veux pas rester ?
—   Si seulement je pouvais...
Il sent les lèvres de Stephen remonter dans son cou et ses doigts sur sa colonne vertébrale, laissant des frissons sur leur passage, jusqu'à sa nuque, pour s'enfoncer dans ses cheveux.
—   T'as qu'à dire que t'as eu une panne d'ascenseur. Ou de métro. Ou de réveil.
Ollie se sent flancher mais résiste encore, pour la forme.
—   Je peux pas. Ils ont besoin de moi.
—   Moi aussi j'ai besoin de toi, geint Stephen.
—   Juste cinq minutes, alors, rit Ollie en passant les mains sur son dos et dans ses cheveux.
—   J'ai plus jamais envie de quitter ce lit de toute ma vie, soupire Stephen.
—   Moi non plus.
—   Et j'ai pas envie de te laisser partir parce que tu pourrais jamais revenir.
—   Qu'est-ce qui te fait croire ça ?
—   Parce que une fois dehors tu pourrais réaliser à quel point j'étais une erreur et...
—   Arrête de dire des trucs pareils. Je t'interdis. C'est faux. Si on est ensemble la règle c'est que t'as plus le droit de dire des trucs pareils. J'ai toutes les raisons du monde de rester dans ce lit et à peu près aucune d'en sortir à part qu'il faut gagner de l'argent pour pouvoir revenir dans ce lit sans avoir à me soucier de rien d'autre.
Stephen lève les yeux vers lui.
—   Donc... on est ensemble ? demande-t-il, timide.
—   Ben... ouais ? enfin je crois ? Si tu veux ?
Stephen sourit et remonte dans le lit pour avoir son visage à la hauteur de celui d'Ollie.
—   Ma règle à moi, ça va être que t'arrêtes de poser des questions stupides.
Et il l'embrasse. Ollie roule sur le côté et l'emprisonne sous son corps.
En arrivant au travail, il s'excuse avec des problèmes de réveil.
 
—   Non mais franchement, Stephen, t'avais un mois et demi pour appeler EDF, pourquoi tu l'as pas fait avant, hein ?
—   Je sais pas trop.
Assis sur le clic-clac de Marianne, il finit de se sécher les cheveux.
—   Tu l'as fait, maintenant, au moins ?
—   Ouais, tout à l'heure. Ils passeront dans trois jours. Je pourrai revenir prendre une douche ou deux chez toi, du coup ?
—   Si t'as besoin, bien sûr. Mais, honnêtement, t'as pas assuré du tout, là. Ollie doit t'en vouloir à mort.
—   Pas trop, non, répond-il en cachant son sourire.
—   Tu lui as fait quoi pour faire passer ça ?
—   Hm... tu veux pas vraiment savoir.
Il n'ose pas risquer un coup d'½il vers elle et garde la tête baissée ; il est presque sûr de rougir.
—   Tu... Tu viens vraiment de sous-entendre ce que je pense ?
—   Hmmm... oui ? Peut-être ? Sûrement ?
—   Putain...
Il relève enfin la tête vers elle. Ses yeux sont écarquillés et elle cache sa bouche de sa main.
—   Je... je m'attendais pas à ça.
—   Moi non plus, si ça peut te rassurer, rit-il.
—   Non mais... enfin... j'ai trois questions, là : premièrement, quand ? Deuxièmement, pourquoi ? Et troisièmement, comment ?
—   Alors euh, hier soir ? parce que... je sais pas trop, c'est arrivé ? Et... tu veux pas savoir ça non plus.
—   Non mais il t'a pas forcé ?
—   Euh, non, pas vraiment. Pas du tout. C'est même plutôt moi qui... enfin.
—   Putain... c'est... le prend pas mal, tu fais ce que tu veux, mais... je suis un peu choquée. Est-ce que... c'est la première fois ?
—   Que je sors avec un mec ? Ouais.
Il ricane nerveusement.
—   J'avoue, c'est un peu bizarre.
—   Et... tu penses que ça va durer ?
—   Je sais pas.
—   Et t'as envie que ça dure ?
—   Je crois ?
—   Donc... t'es heureux ?
—   Ouais.
De toute façon, son incontrôlable sourire l'empêche de mentir. Elle lui sourit en retour.
—   Tant mieux. Du coup, j'imagine que, même sans chauffage ni lumière ni eau chaude, tu préfères rester dormir chez toi ces jours-ci ?
—   Au moins j'ai une bonne excuse pour rester au lit.
—   Eeeet je ne veux pas savoir ce que tu prévois d'y faire !
Il rit, un peu soulagé d'avoir son approbation – et aussi parce qu'il se sent comme une adolescente de douze ans qui a reçu un sourire du plus beau garçon du collège.
 
—   T'es sûr de vouloir le dire à tes amis ? demande Ollie à Stephen alors que, sa guitare sur le dos, il vérifie qu'il a bien toutes ses affaires.
—   J'ai pas envie de te cacher, répond-il en levant les yeux vers lui. Et je vois pas de raison de le faire.
—   Je sais pas, si tu voulais attendre un peu, je comprendrais.
—   Si tu veux pas que je leur dise, je le fais pas.
—   Non mais si, je veux, mais... et s'ils avaient du mal à l'accepter ?
—   Ils peuvent penser ce qu'ils veulent, ça va rien changer du tout, sourit Stephen en saisissant ses clés.
—   Sûr ?
—   S'ils ont quelque chose à dire contre toi, ils peuvent aller se faire foutre.
Il s'approche d'Ollie et lui pose la main sur la taille.
—   T'inquiète pas, ça va bien se passer, murmure-t-il avant de l'embrasser.
Ollie s'agrippe à sa veste en cuir.
—   Par contre, ajoute Stephen sans ouvrir les yeux, je vais attendre un peu avant de l'annoncer à mes parents – il l'embrasse encore –, ils le prendront sûrement avec plus de philosophie si – encore un baiser, du bout des lèvres – je leur annonce en même temps que je suis pas mort après trois mois sans nouvelles. De toute façon, quand je leur dirai que t'es chef d'entreprise, ils pourront que t'accepter.
Ollie rit.
—   Je le suis pas encore.
—   Ils sont pas obligés de le savoir.
—   Tu vas être en retard si tu pars pas maintenant.
—   Je sais.
—   Qu'est-ce que t'attends pour y aller ?
—   Je sais pas.
Après un dernier baiser, Ollie le repousse.
—   File. Je te retrouve au bar pour le concert.
Stephen soupire et, forcé, quitte l'appartement.
 
—   Donc, t'es gay ? demande Baptiste, accoudé au bar alors que le premier groupe de la soirée est en train de passer.
—   J'imagine ?
—   Non mais tu sais quand même si tu l'es ou pas ?
—   Ça dépend, si par « gay » t'entends que je sors avec un mec, alors oui, mais si tu veux dire que je peux sortir qu'avec un mec, alors non.
—   Putain mais t'es trop compliqué, sérieux. Mais du coup, attends, rassure-moi, t'as pas des vues sur moi ?
—   Honnêtement, Baptiste, je coucherais pas avec toi même pour un contrat avec Third Man Records.
—   Tu me déçois, Stephen, lance Nico d'un ton sérieux. Vraiment. Je pensais que tu serais prêt à tout pour un contrat avec Third Man Records.
—   Parce que toi, tu serais prêt à coucher avec Baptiste pour un contrat avec Third Man Records ?
—   J'avoue, nan, répond Nico après quelque secondes de pseudo-réflexion.
—   Je sais pas si je dois être rassuré ou vexé, lâche Baptiste dans un sourire qu'il essaye de faire passer pour une grimace.
Stephen sent une main se poser sur sa taille et se retourne.
—   Désolé, je suis en retard, sourit Ollie, un peu crispé. J'ai rien loupé ?
—   Nan, t'inquiète, ils ont commencé il y a cinq minutes, répond-il en passant la main sur son ventre avant de l'embrasser.
—   Cool.
—   Bon, Stephen, écoute, que tu sois gay ou pas je m'en fous, soupire Baptiste après quelques secondes à les observer, mais je te jure, si tu continues à avoir ces yeux de merlan frit, on va plus être potes, ok ?
 
Rentrant de son service du midi, Ollie trouve Stephen à genoux par terre dans sa chambre, les mains dans ses disques. Un vinyle, au son abrupt et industriel, un peu crachotant, tourne sur la platine. Il pose la main sur son dos et un baiser dans ses cheveux.
—   Hey. Qu'est-ce que t'écoutes ?
—   Keep On Your Mean Side. des Kills. Leur premier album.
Fronçant les sourcils sur ce manque d'entrain inhabituel alors qu'il s'agit de musique, Ollie demande :
—   Ça va ?
Stephen soupire.
—   Pas trop, non.
—   Pourquoi ? demande Ollie en s'asseyant sur le bord du lit. Ça avait l'air d'aller, ces derniers temps.
—   Tu sais, c'est pas parce que je suis amoureux que tous mes problèmes vont se régler d'un coup, répond Stephen d'un ton sec sans se retourner. Mon compte en banque penche toujours dangereusement vers le rouge, le groupe avance pas, et je suis toujours pas foutu de trouver la force nécessaire pour faire quoi que ce soit alors je range mes disques comme ça j'ai au moins l'impression de faire quelque chose même si ça ne change strictement rien à rien et que je m'énerve encore plus.
Ollie met quelques secondes à assimiler avant de répondre.
—   Tu sais... pour ton groupe, je peux rien faire, mais pour le compte en banque... j'y ai réfléchi un moment, et j'ai peut-être un truc à te proposer.
Stephen soupire, puis range sur une étagère les disques qu'il a dans les mains et, se tournant vers Ollie, s'assoit au sol, les coudes posés sur les genoux.
—   Quoi ?
—   C'est pas pour tout de suite, mais... pour mon resto, je vais avoir besoin de personnel. Alors je te propose pas la cuisine – Stephen s'autorise un sourire un peu amer –, c'est pas la peine, mais je me disais... Est-ce que ça te dirait de bosser au service ? Je veux dire, tu connais déjà la carte, tu sais communiquer ton enthousiasme pour la nourriture, et puis... t'as un bon contact avec les gens. Je sais que t'as pas d'expérience dans le domaine, mais...
—   T'es sérieux ?
—   Ben... Ouais ? Mais si tu veux pas, je comprends, c'est pas...
—   Non mais si ça m'intéresse mais... et si ça marche pas entre nous et qu'on se sépare ? Si on arrive pas à travailler ensemble et qu'on s'engueule ? Si je me révèle être totalement incapable de faire ce boulot ? Comme t'as dit, j'ai pas d'expérience, et...
—   Je sais, je me suis posé les mêmes questions. Mais... je sais pas, j'ai la sensation que ça pourrait le faire. Et puis, on saura pas tant qu'on aura pas essayé.
Sous son chapeau, il sourit.
—   De toute façon, t'as le temps d'y penser, mais... voilà, je te propose ça. C'est... c'est un projet important pour moi, et... et j'ai envie de l'avoir avec toi.
Stephen le fixe et il se sent à la fois terriblement paniqué et infiniment reconnaissant vis-à-vis de toute cette confiance qu'il reçoit. Il a peur de se tromper, peur de ne pas être à la hauteur, peur de décevoir, peur de tomber de trop haut. Et puis, accepter, ce ne serait pas un peu admettre la défaite de ses tentatives artistiques ? Ce ne serait pas faire une croix sur la musique ? Il n'a pas envie de laisser ça derrière lui, il n'a pas envie d'abandonner, pas avant d'avoir tout essayé, pas avant d'être définitivement sûr qu'il n'en tirera rien – et encore, même à ce moment-là, peut-être qu'il continuera encore, parce que c'est trop important pour lui. Il ne sait pas s'il est prêt à ça.
Et puis, comment il se situe par rapport à Ollie, aussi ? Est-ce qu'il a envie de s'engager à ce point avec lui ? Est-ce qu'il l'aime assez pour ça ? Est-ce qu'il lui fait suffisamment confiance, lui, en retour ? Est-ce qu'il est prêt à travailler avec lui ? Pour lui ?
—   Si... si tu t'inquiètes par rapport à ton groupe, je suis prêt à te faire un emploi du temps adapté à tes besoins. Un mi-temps, même, si tu veux. Comme tu veux, continue Ollie. C'est... c'est pas définitif. C'est juste... je me suis dit que ça pourrait t'aider. Plutôt que de faire des petits boulots. Mais je veux pas te forcer.
Il perçoit enfin les propres peurs d'Ollie face à ce qu'il lui propose. Pour lui aussi, c'est un engagement. Pour lui aussi, ce sont des incertitudes.
Pour tous les deux, c'est un pari.
Et, en comprenant ça, il voit la décision à prendre.
Soudainement plus serein, il sourit.
—   Merci.  Je... je veux rien te promettre, parce que je sais pas où on en sera quand t'ouvriras ton resto, mais... si... si on est toujours ensemble... si j'ai toujours besoin de boulot... j'adorerais. J'adorerais faire ça avec toi.
Les épaules d'Ollie se relâchent. Il lui sourit en retour.
Tags : Intermède
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#Posté le vendredi 11 avril 2014 05:25

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